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éternelle, vous reverrez Rannée ; mais que je crains votre retour auprès d’elle ! vous serez le témoin de deux changemens consécutifs en elle ; ce que vous aimez, perdra ses grâces, perdra ses vertus ; vos sentimens pour elle pourront-ils survivre à cette perte ? Mascave frémit ; non, s’écria-t-il, que les traits de Rannée changent, à la bonne heure ! Vous le savez, sa beauté n’a pas fait naître en moi les sentimens que j’y découvre en ce moment ; il fut un tems où elle ne plaisait qu’à mes yeux. Le seul changement de ses mœurs lui a fait trouver le chemin de mon cœur. Il serait, sans doute, déchiré, s’il était forcé de perdre la douce habitude de l’adorer ; toutefois, je sens que mon amour pour elle ne pourrait survivre à mon estime : non, madame, si je cesse de l’estimer, je ne l’aimerai plus. Mais, pourquoi Rannée cesserait-elle d’être vertueuse ? Pourquoi n’employez-vous pas toute la puissance de votre art, pour la préserver de ce malheur ?