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Passons légèrement sur les premières années de Rannée, qui n’ont rien de fort intéressant. Il avait fallu lui ôter sa nourrice : cette femme qui était pourtant le phénix de celles de son espèce, ne pouvait souffrir la contradiction pour son élève : elle se persuadait que sa santé en souffrirait ; et Clio ne put jamais lui faire comprendre que la violence des passions est beaucoup plus contraire à la formation des enfans qu’une sage contradiction qui les met sous le joug. Rannée sentit d’abord cette séparation avec tant de violence qu’on eût dit que sa vie en était en danger : la légèreté de son caractère ne lui permit pas d’en être long-tems affligée, et, au bout de vingt-quatre heures, on la vit tranquille.

La légèreté de Rannée se décelait à tous les momens : elle souhaitait avec passion une chose dont elle se dégoûtait le moment d’après. Mascave était d’un caractère tout différent ; il s’attachait avec difficulté, et il n’était pas possible de le