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on se fit les plus grandes violences pour ne point éclater : chacun souriait pourtant, et Alecto prenait tout, comme elle souhaitait qu’il fût, c’est-à-dire, pour des applaudissemens. Elle ne demandait au reste qu’une bagatelle ; elle prétendait que l’amour lui remît son arc et ses flèches. L’amour, qui commençait à s’impatienter ( car le ridicule outré n’amuse qu’un moment), lui répondit : Qu’en feriez-vous, madame ? ma flèche la plus aiguë serait émoussée, si elle était lancée de votre main. Voici tout ce que je puis faire en votre faveur : au moment où Rannée connaîtra son amant, je vous abandonne ses traits ; elle cessera d’être belle.

À peine la vieille fut-elle sortie que toute la cour de Cupidon murmura de ce qu’il venait de lui accorder. De quoi vous plaignez-vous, dit l’amour ? Alecto pourra empêcher Rannée d’être belle ; mais tous ses efforts ne pourront la rendre plus aimable : la malice de son ennemie