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serait-ce si, aux défauts de son caractère, se joignaient ceux de son amant ? Elle les adopterait, j’en suis sûre : l’expérience ne me permet pas d’en douter.

La sage Uranie propose de lui mettre sans cesse devant les yeux les funestes effets de l’amour ; cette vue la rendra malheureuse, sans diminuer le penchant qu’elle aura à être tendre. Rannée connaîtra clairement qu’elle ne pourra être heureuse que par le cœur ; et, dans l’impossibilité où elle se croira de la devenir, l’amertume, le dégoût de la vie, s’empareront de son ame. Son humeur s’aigrira pour tâcher de remplir le vide qu’elle trouvera au-dedans d’elle-même ; elle se précipitera dans les plaisirs, qu’elle ne goûtera pas, mais qui lui feront perdre un tems précieux. Fatiguée de luttes contre elle-même, et des combats pénibles qu’il lui faudra rendre à chaque instant pour arracher son cœur à tout ce qu’elle trouvera digne d’être aimé, ou qui lui paraîtra tel, elle abandonnera tout