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dans le plus grand désespoir du monde ; car ils ne concevaient rien de plus triste que d’avoir une fille muette.

Cependant Joliette devenait charmante ; elle s’efforçait de parler quand elle eut deux ans, et l’on connaissait par ses petits gestes, qu’elle entendait tout ce qu’on lui disait, et qu’elle mourait d’envie de répondre. On lui donna toutes sortes de maîtres, et elle apprenait avec une promptitude surprenante : elle avait tant d’esprit qu’elle se faisait entendre par des gestes, et rendait compte à sa mère de tout ce qu’elle voyait, ou entendait. D’abord on admirait cela, mais le père qui était un homme de bon sens, dit à sa femme : « ma chère, vous laissez prendre une mauvaise habitude à Joliette ; c’est un petit espion. Qu’avons-nous besoin de savoir tout ce qui se fait dans la ville ? On ne se méfie pas d’elle, parce qu’elle est une enfant, et qu’on sait qu’elle ne peut pas parler, et elle vous fait savoir tout ce qu’elle entend : il faut la corriger de ce