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il était brutal ; il jurait, il battait ses soldats ; il leur volait la moitié de l’argent que le roi donnait pour les nourrir et les habiller ; et, sous ce méchant capitaine, Fatal fut encore plus malheureux que chez le fermier. Il s’était engagé pour dix ans, et, quoiqu’il vît déserter le plus grand nombre de ses camarades, il ne voulut jamais suivre leur exemple ; car il disait : j’ai reçu de l’argent pour servir dix ans ; je volerais le roi, si je manquais a ma parole. Quoique le capitaine fût un méchant homme, et qu’il maltraitât Fatal tout comme les autres, il ne pouvait s’empêcher de l’estimer, parce qu’il voyait qu’il faisait toujours son devoir. Il lui donnait de l’argent pour faire ses commissions, et Fatal avait la clé de sa chambre, quand il allait à la campagne, ou qu’il dînait chez ses amis. Ce capitaine n’aimait pas la lecture ; mais il avait une grande bibliothèque, pour faire croire à ceux qui venaient chez lui, qu’il était un homme d’esprit ; car, dans ce