pas encore… Un mensonge ?… Il vaudrait mieux cent fois… Mais je m’alarme, et peut-être il ne fait que passer.
Scène IX
Pardonnez à mon empressement, messieurs, l’incivilité de me montrer en habit de voyage.
Son empressement ! il n’en dit pas l’objet.
Vous voyez que j’y suis moi-même.
Partez-vous ?
Avec bien du regret, monsieur, puisque vous arrivez.
Cette course est brusque.
Elle est nécessaire.
Si c’est, comme le dit ton fils, des affaires de compagnie…
De compagnie… relatives à la compagnie… Puis-je voir, sans déplaisir, passer ma survivance à quelque étranger ?
Ah, ah, ah, ah.
Il m’est bien agréable d’arriver à temps pour vous arrêter.
Est-ce que je l’aurais laissé partir ? (À Mélac père.) Tu peux renvoyer les chevaux de poste.
Pour quelle raison ?
C’est que la place que vous allez solliciter est accordée à monsieur votre fils.
L’emploi de mon père ?
Eh oui ! l’emploi de mon père.
Ah ! Pauline !
En voici l’assurance. Quelque désir que j’aie eu de vous servir en cette affaire, je ne puis vous cacher que vous en devez toute la faveur aux sollicitations de monsieur Aurelly.
Monsieur, son généreux caractère ne se dément point. Mais un autre avait, dit-on, obtenu cette grâce.
C’était moi.
Ce solliciteur dont le crédit…
C’était moi.
Cet homme qui avait pris les devants…
C’était moi. Je m’en occupais depuis longtemps : ne m’a-t-il pas élevé une nièce charmante ?
Oui, charmante.
Ah ! charmante, en effet.
(Mélac fils rougit de son transport. Saint-Alban le fixe avec curiosité.)
Ne m’a-t-il pas promis d’étendre ses soins jusqu’à mon fils, lorsqu’il sera en âge d’en profiter ? Il faut bien que j’établisse le sien, ah, ah, ah, ah…
À quel ami je rends service !
C’était donc cela qu’hier au soir… vous feigniez… Quelle surprise ! ah ! monsieur !… (À part.) Je ne me sens pas de joie ; courons annoncer cette nouvelle à Pauline.
Scène X
Eh bien !… l’étourdi, qui oublie de vous faire ses remerciments !
Tu renvoies les chevaux ?
Mon voyage est indispensable.
Encore ?
Si c’est pour ce que je présume, je suppléerai à sa course. Mais, avant que d’en parler, recevez mon compliment, monsieur, sur la distinction flatteuse que vous venez d’obtenir. Le plus digne usage des lettres de noblesse est, sans doute, de décorer des citoyens aussi utiles que vous.
Utiles. Voilà le mot. Qu’un homme soit philosophe, qu’il soit savant, qu’il soit sobre, économe, ou brave : eh bien !… tant mieux pour lui. Mais qu’est-ce que je gagne à cela, moi ? L’utilité dont nos vertus et nos talents sont pour les autres est la balance où je pèse leur mérite.
C’est à peu près sur ce pied que chacun les estime.