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le retirant.

Hé que non pas.--Son cœur ! Comme il est familier donc ! si ce n’était
pas un morveux sans conséquence…. (Chérubin arrache le ruban.) Ah,
le ruban !

CHÉRUBIN tourne autour du grand fauteuil.

Tu diras qu’il est égaré, gâté ; qu’il est perdu. Tu diras tout ce que tu
voudras.

SUZANNE tourne après lui.

Oh ! dans trois ou quatre ans, je prédis que vous serez le plus grand
petit vaurien !… Rendez-vous le ruban ? (elle veut le reprendre.)

CHÉRUBIN tire une romance de sa poche.

Laisse, ah, laisse-le-moi, Suzon ; je te donnerai ma romance, et pendant
que le souvenir de ta belle maîtresse attristera tous mes momens, le
tien y versera le seul rayon de joie qui puisse encore amuser mon cœur.

SUZANNE arrache la romance.

Amuser votre cœur, petit scélérat ! vous croyez parler à votre
Fanchette : on vous surprend chez elle ; et vous soupirez pour Madame ; et
vous m’en contez à moi, par-dessus le marché !

CHÉRUBIN exalté.

Cela est vrai, d’honneur ! Je ne sais plus ce que je suis ; mais depuis
quelque temps je sens ma poitrine agitée ; mon cœur palpite au seul
aspect d’une femme ; les mots amour et volupté le font tressaillir et
le troublent. Enfin le besoin de dire à quelqu’un je vous aime, est
devenu pour moi si pressant que je le dis tout seul, en courant dans le
parc, à ta maîtresse, à toi, aux arbres, aux nuages, au vent qui les
emporte avec mes paroles perdues.--Hier je rencontrai Marceline….

SUZANNE riant.

Ha, ha, ha, ha !