Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
ABBOT.

culté ; et il la para le moins mal qu’il lui fut possible[1]. Mais à qui persuaderait-on qu’à cause que les Marseillais avaient souvent guerre avec leurs voisins, ils n’avaient pas eu le temps de savoir ce que c’était que Narbonne ? Le passage de Justin[2] que Sanson rapporte ne nous apprend-il pas qu’avant l’an 362 de Rome, ils avaient souvent vaincu les Carthaginois, et qu’ils avaient fait alliance avec les peuples d’Espagne ? Le père Labbe ne se trouva pas trop bien de son triomphe ; car Sanson fit des sorties sur lui, à son tour, qui renversèrent presque tout le Pharus Galliæ antiquæ[* 1]. Notez qu’à l’égard de son hypothèse touchant Britannia, il écrivit une réplique[3] qui n’a pas été imprimée.

  1. * Dans une longue note sur cette remarque, Joly tâche de justifier le P. Labbe du reproche de plagiat que lui faisait Sanson.
  1. Sanson. Recherche de l’Antiquité d’Abbeville, page 76 et suiv.
  2. Justinus, lib. XLIII, cap. V et VI.
  3. Voyez la remarque (A) de l’article Pythéas, à la fin.

ABBOT [a] (Georges), archevêque de Cantorbéri, et auteur de plusieurs livres (A), était fils d’un tondeur de draps, et naquit à Guildford, dans le comte de Surrey, l’an 1562. Il fit ses études à Oxford, et y devint, en 1597, principal du collége de l’université. Deux ans après, on lui donna le doyenné de Winchester, qu’il garda jusqu’en l’an 1609. Il succéda à Thomas Morton au doyenné de Glocester. Jusque-là, son élévation n’avait été ni fort éclatante ni fort prompte : mais dans la suite elle fit de très-grands progrès en fort peu de temps. Il obtint l’évêché de Lichtfield le 3 de décembre 1609, l’évêché de Londres au mois de février 1610, et l’archevêché de Cantorbéri au mois de mars suivant[b]. Son érudition, et le talent qu’il avait de bien prêcher, contribuèrent moins à ces grands sauts de sa fortune que la faveur du comte de Dunbar, dont il avait été chapelain. Sa conduite ne plut pas à tout le monde. On trouvait étrange qu’il eût plus de considération, chez lui, pour son secrétaire que pour ses chapelains ; et qu’il fit, hors de sa maison, plus d’honneur aux gens du monde qu’aux gens d’église. On crut que n’ayant jamais passé par les bénéfices subalternes à charge d’âmes, je veux dire que, n’ayant jamais essayé les difficultés qui se trouvent dans la direction d’une paroisse, il était par-là devenu moins propre à user d’indulgence envers les ministres. La sévérité qu’il avait pour eux, et sa connivence sur la propagation des non-conformistes, étaient deux choses qui faisaient parler contre lui. La dernière a été cause qu’un auteur moderne a dit que, si Laud avait succédé à Brancroft, et que le projet de conformité n’eût pas souffert l’interruption qu’il souffrit sous Abbot, il n’y a point de doute qu’on n’eût fait cesser le schisme dans l’Angleterre[c]. Abbot devint désagréable au roi Jacques pour avoir été contraire au dessein que ce prince avait formé de marier le prince de Galles avec l’infante d’Espagne. Les ennemis de l’archevêque, s’étant aperçus de cela, crurent avoir trouvé une occasion favorable de le perdre parce qu’ils espérèrent de surprendre la religion du roi Jacques, en alléguant la sainteté des anciens canons. Pour mieux entendre ceci, il faut savoir qu’Abbot avait

  1. Il y en a qui disent Abbat.
  2. Ex Athenis Oxoniensibus, vol. I.
  3. Ex Fulveri libro. cui titulus, Worthies of England.