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ALFÉNUS VARUS.

ignotas[1], suffit pour nous convaincre de la grande autorité où était le nom d’Alfénus en fait de jurisprudence. Joignez à ceci les témoignages allégués par Bertrand au ier. livre de ses jurisconsultes[2].

(B) Un passage d’Horace regarde notre Alfénus. ] Les paroles d’Horace sont dignes d’être rapportées :

........Alfenus vafer, omni
Abjecto instrumento artis, clausâque tabernâ,
Sutor erat : sapiens operis sic optimus omnis
Est opifex solus, sic rex[3].

(C) Aulu-Gelle, qui le réfute... ne laisse pas de louer ses soins pour les antiquités. ] Cela regarde la signification de ces paroles, argentum purum putum, qui étaient dans le traité de paix conclu entre la République Romaine et celle de Carthage. Les Romains devaient recevoir tous les ans un certain tribut en argent purum putum, c’est-à-dire, de bon aloi. M. Moréri s’imagine que le nom propre de ce tribut était purum putum ; ce qui est une imagination fort plaisante. Aulu-Gelle ne méprise pas sans raison le sens qu’Alfénus a donné à ces paroles[4] ; et, s’il fallait juger par là des lumières de ce jurisconsulte, on le ferait bien descendre des premiers rangs. Il croyait que purum putum avait été formé de purus, comme novicius et propicius ont été formés de novus et de proprius, afin de donner plus de force à la signification du mot primitif. Aulu-Gelle le réfute solidement, et montre que putum signifie ce de quoi on a retranché toutes les superfluités. Il ne cite point le livre que Moréri cote, savoir, le IVe. et le XXXe. des Digestes ; ni celui que Bertrand allègue, savoir, le XXXe, des mêmes Digestes : il en cite le XXXIVe. Quant à l’autre ouvrage qu’il cite, il est intitulé Conjectaneorum, dans l’édition de Henri Étienne ; mais je vois que Bertrand et Guillaume Grotius ont lu Collectaneorum. Ce dernier titre semble se rapporter mieux aux passages des Pandectes, où Servius est cité sur le témoignage d’Alfénus : Servius apud Alfenum notat, putat ; mais on ferait fort mal de préférer par cette raison le dernier titre à celui que Henri Étienne a gardé. Bertrand fait dire à Aulu-Gelle ce qu’il ne dit pas ; savoir, que l’ouvrage intitulé Collectanea comprenait quatre livres. Voici les paroles d’Aulu-Gelle : In libro Digestorum trigesimo et quarto, Conjectaneorum autem secundo, in fœdere, inquit, etc.[5]. Je ne doute pas que, puisque Bertrand a dit qu’Aulu-Gelle a cité le XXXe. livre des Digestes, il n’ait cru que et quarto se rapportait au mot suivant et que, sans prendre garde à la suite, il n’ait conclu qu’on avait cité le IVe. livre des Collectanées : d’où néanmoins il n’avait pas lieu de conclure que l’ouvrage ne contenait que quatre livres, et que c’était Aulu-Gelle qui le disait. Les remarques critiques sur cet ouvrage de Bertrand, insérées dans l’édition de Leide, ni Guillaume Grotius, ne nous ont pas avertis de ces petites méprises. Je mets en note le bien qu’Aulu-Gelle a dit d’Alfénus[6].

(D) Il n’est pas sûr que, parmi les conseillers de l’empereur Alexandre Sévère, il y ait eu un Alfénus. ] Le passage de Lampridius, de la manière qu’il est imprimé, est si faux à certains égards, qu’on ne peut en rien conclure pour l’existence d’un Alfénus sous Alexandre Sévère. Voyez Casaubon sur ce passage. Mais, en tout cas, M. Moréri ne devait point nous citer Horace, ni Aulu-Gelle, pour son Alfénius surnommé le jeune, qui vivait, dit-il, sous le règne de l’empereur Alexandre Sévère.

(E) Donat.... parle d’un Alfénus. ] M. Moréri, faisant un article de celui-ci, dans la page 170, le nomme Alphénius Varus, chevalier romain, et cite Donat in vitâ Virgilii, mais Donat ne qualifie point cet homme chevalier romain : et d’ailleurs, les meilleures éditions[7] portent Alphénus, Varius, comme deux personnes, et non pas Alphénius Varus, comme une. Il faut néanmoins avouer, que ces vers de la IXe. Églogue de Virgile, v. 26 :

Immò hæc quæ Varo nec dùm perfecta canebat,

  1. Amm. Marcellin., lib. XXX, cap. IV, pag. 594.
  2. Pag. 56, 57, edit. Lugd. Bat. ann. 1675,
  3. Horat. Sat. III libri I, vs. 130.
  4. Aulus Gellius, lib. VI, cap. V.
  5. Aulus Gellius, lib. VI, cap. V.
  6. Alfenus jurisconsultus, Seivii Sulpicii discipulus, rerumque antiquarum non incuriosus. Aulus Gellius, lib. VI, cap. V.
  7. Celle d’Hackius à Leide, en 1680.