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ALES.

lois sont comme le pain et les œufs, pan d’un di, ovo d’un hora. L’état florissant d’un code (j’entends ici la pratique et l’observation) est celui de l’enfance. Voyez la plainte d’un poëte qui avait décrit quelques abus du siècle d’Auguste ; elle ressemble à celle de Jésus-Christ, Du commencement il n’était pas ainsi[1] :

..........., Non ità Romuli
Præscriptum, et intonsi Catonis
Auspiciis, veterumque normâ[2].


Par cet endroit-là, les sectes, et les communautés, etc., ressemblent à l’homme, qui n’est innocent qu’au berceau, et un peu après.

Notons qu’il y a encore quelques pays protestans[3] où l’on a gardé quelques restes de sévérité contre la fornication, tant à l’égard des filles qu’à l’égard des hommes. Mais je suis sûr que notre Alexandre Ales en demanderait davantage. Que dirait-il des autres pays ?

Ne finissons pas sans dire que les tribunaux, qui adjugent un profit pécuniaire aux fornicatrices, ou qui condamnent même à les épouser ceux qui les ont débauchées, font cela pour éviter plusieurs inconvéniens ; mais, quoi qu’il en soit, ils fomentent par cette conduite les désordres de l’impureté ; car chaque sentence qu’ils prononcent sur ce point-là est un bien réel pour une personne, et un motif d’espérance pour vingt autres. Chaque fille qui parvient au mariage par cette route, fait naître l’envie à plusieurs autres de tenter le même moyen. On a compris cet abus en France : le nouveau Code n’y est pas aussi favorable que le vieux à cette espèce de filles qui profitent trop des priviléges du mariage. C’est un sacrement qui a des vertus retroactives, et qui, comme celui de la pénitence, est une planche après le naufrage. Il fait rentrer au port de l’honneur, il répare les vieilles brèches, il donne la qualité de légitimes à des enfans qui ne la possédaient pas[4]. Je ne dis rien du voile épais dont il peut couvrir les nouvelles brèches, les fautes courantes, et le péché quotidien.

(E) L’attachement qu’il avait pour Mélanchthon avait fait croire qu’il s’était retiré à Wittemberg. ] Mélanchthon, dans sa CCXCe. lettre à Camerarius, ne sait si Ales se défiait de son amitié. Dans la lettre CCLXXXVIIIe. il avoue qu’il avait remarqué en lui des saillies et des boutades, παρϐόλους καὶ παραλόγους ὀρμάς.

(F) Il mourut le 17 de mars 1565. ] Le Calendrier de Paul Eber marque qu’Ales mourut le 18 de mars 1565, âgé de soixante-quinze ans. La première faute est fort légère, puisqu’elle n’est que d’un jour ; mais la seconde est de dix ans ; et ainsi elle est plus considérable. Ales écrivit lui-même, sur la matricule de l’université de Leipsick, qu’il était né l’an 1500. Bucholcer[5], et Reusnerus[6] lui donnent tout autant de vie que Paul Eber. Toute cette remarque a été prise de Thomasius. On eût pu reprendre Bucholcer en une autre chose ; c’est qu’il a dit qu’Ales vécut et enseigna en Allemagne depuis son arrivée à Wittemberg, c’est-à-dire, depuis l’an 1533.

(G) Il avait eté préservé de la mort par miracle dans sa jeunesse. ] Il dit dans l’un de ses livres[7], qu’il se remet souvent en mémoire, mais non pas sans de grands frissons par tout le corps, que, comme il roulait vers un précipice, sur le sommet d’une très-haute montagne, et qu’il était déjà fort près de ce précipice, il se sentit transporté dans un autre lieu, sans savoir par qui, ni comment ; ce qu’il attribue à la foi de ses parens[* 1], et non pas aux billets qu’il portait sur soi, contenant quelques versets de saint Jean, selon la coutume des enfans en ce temps-là.

(H) Il assista à un grand nombre de conférences. ] Lorsque Mélanchthon fut prié, en 1555, par ceux de Nurenberg, de venir terminer les dis-

  1. * Il était important, dit Leclerc, de faire remarquer que les parens d’Ales étaient catholiques. Quel argument en faveur de l’Église romaine qu’un protestant reconnaissant le pouvoir de la foi !
  1. Évang. de S. Matthieu, chap. XIX, v. 8.
  2. Horat. Od. XV, lib. II, vs. 10.
  3. À Genève, et plus encore au canton de Berne.
  4. Voyez la remarque (A) de l’article Ariosta.
  5. Chronolog., pag. 613.
  6. Isagog. Hist., pag. 636.
  7. Epistola dedicatoria Commentar. in Joannem. Vide et præfat. in alteram ad Timotheum, apud Jacobum Thomasium, in Oratione de Alesio, pag. 305.