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ALDROVANDUS.

lité en Allemagne dans un homme de guerre.

(B) On croit que Wallestein lui avait donné des ordres secrets de rendre inutiles les desseins du duc de Féria. ] L’historien de Bavière, que j’ai cité[1], convient que les Suédois ne demandaient pas mieux que de venir à un combat général, quoiqu’ils ne se trouvassent pas si avantageusement postés que les catholiques. Le duc de Féria, poursuit-il, voyant l’occasion belle, fit d’inutiles efforts pour obliger Aldringer à venir aux mains avec l’ennemi ; mais jamais il ne put rien obtenir d’un homme qui était sous la férule de Wallestein ; et les Suédois s’étant retirés comme en triomphe, sur la fin d’octobre, le mauvais procédé d’Aldringer, qui coûta bon à l’union catholique, déplut tant au duc de Féria, que bientôt après il en mourut de douleur. Cet historien avait dit dans la page précédente qu’Aldringer, affidé à Wallestein, n’agissait guère que par ses ordres, et qu’en ce temps-là on publia un écrit qui assurait que tandis que Wallestein mandait à l’empereur qu’il envoyait Aldringer au duc de Bavière pour en disposer entièrement, il lui donnait des ordres secrets de ne le servir que pour la défensive du petit secours qu’il commandait : ce qu’Aldringer n’ayant pas ponctuellement exécuté, Galas lui témoigna, de la part de Wallestein, qu’il ne lui pardonnerait jamais cette désobéissance.

(C) Il avait d’excellentes qualités. ] Il avait l’esprit fort vif et fort pénétrant, beaucoup d’acquis, une intelligence raffinée, un grand courage : il se faisait admirer dans un conseil de guerre par la force de ses raisons, et par la vraisemblance de ses conjectures : c’était d’ailleurs une bonne plume, il savait plusieurs langues, il avait su tirer la quintessence des maximes de divers pays. La politique d’un Espagnol italianisé ne surpassait pas la sienne : Le da lui praticate varie nationi, l’osservate diverse massime, e gli investigati genii e inclinationi di molti popoli, lo resero cosi accorto nelle attioni, che alcuno Spagnuolo Italianato non lo avanzava[2].

(D) Il était d’une avarice et d’une cruauté excessives. ] Il était sans miséricorde pour les peuples, et il exigeait les contributions avec la dernière rigueur : il n’avait nul égard aux nécessités du soldat ; de sorte qu’il n’était aimé, ni des peuples, ni armées. Il fit bien sa main au sac de Mantoue, et il n’y eut point d’officier dans l’armée impériale qui sortît de là avec autant de butin que lui[3]. On a cru que ses propres gens l’avaient tué sur le pont de Landshbut, l’occasion de le faire sans être connu étant fort bonne. Fu colpito e fatto cader morto, non senza sospetto cio divenisse dalla parte de’ suoi, per vendetta d’alcune ingiurie fatte loro, essendo egli per la sua severità piu temuto che amato dalla militia[4].

  1. Le Blanc, Hist. de Bavière, tom. IV, p. 424.
  2. Priorato, Histoire des Guerres d’Allemag., liv. IX, pag. 291, édit. in-4°.
  3. Là même.
  4. Là même, pag. 289.

ALDROVANDUS[a] (Ulysse), professeur en philosophie et en médecine à Bologne, sa patrie, a été un des plus curieux hommes du monde par rapport à l’histoire naturelle. Ses soins, ses travaux et ses dépenses sur ce sujet sont incroyables. Il voyagea dans les pays les plus éloignés sans autre motif que de s’instruire des choses que la nature y fait paraître : les minéraux, les métaux, les plantes, les animaux, étaient l’objet de ses recherches et de sa curiosité ; mais il s’attachait principalement aux oiseaux ; et, pour en avoir des figures bien exactes et au vif, il employa pendant plus de trente années, à ses propres frais, les plus excellens artistes de l’Europe (A). Ces dépenses l’abîmèrent : il se vit enfin réduit à la dernière nécessité[* 1], et l’on prétend qu’il mourut à

  1. * Cette circonstance est révoquée en doute par Joly, qui renvoie aux Mémoires de Nicéron.
  1. Issu des comtes de ce nom, à ce que dit Aubert. Miræus, de Scriptorib. Sæc. XVI, pag. 154.