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ALDRINGER.

de Tilli avait attendu à donner bataille que ces troupes fussent arrivées, comme on le lui conseillait, l’événement n’eût pas été si funeste aux Impériaux. Aldringer se sépara de Tilli quelque temps après pour se retirer en Bohème, à cause des défiances que le mauvais état des affaires semait entre les Impériaux et les Bavarois[a] ; mais cette désunion ne dura pas. Il était, dès le mois de mars 1632, avec Tilli sur les bords du Leck, pour en disputer le passage au roi de Suède. Il était alors grand-maître de l’artillerie [b]. La blessure qu’il reçut à la tête ne contribua pas peu à l’avantage que les ennemis eurent de passer cette rivière ; mais elle ne l’empêcha pas de servir la même campagne : il alla joindre en Bohème Wallestein, malgré les efforts que firent les Suédois pour empêcher cette jonction : il fallut bientôt revenir dans la Bavière pour s’opposer aux troupes du général Horn. Les succès varièrent de part et d’autre dans ces quartiers-là tout le reste de l’année et au commencement de la suivante. Le plus glorieux exploit d’Aldringer pendant ce temps-là fut d’avoir contribué, en 1633, à faire lever le siége de la ville de Constance. Il fut joindre ensuite le duc de Feria, qui avait amené d’Italie quelques troupes espagnoles. On a cru que Wallestein avait donné des ordres secrets à Aldringer de rendre inutiles tous les desseins de ce duc (B), et que ce fut la véritable raison et le motif secret pourquoi Aldringer ne voulait jamais consentir à livrer bataille. Il ne faut pas croire néanmoins qu’il entrât dans toutes complots de Wallestein : il n’avait pour lui que certaines complaisances qui, sans ruiner les affaires du maître commun, avançaient beaucoup les intérêts particuliers de ce généralissime. Il y a de semblables intelligences dans presque toutes les armées. Il fut tué l’an 1634, à Landshut, ville de Bavière, et l’on n’a jamais bien su si ce furent ses propres soldats ou les Suédois qui firent ce coup. Il avait été élevé à la dignité de comte[c]. C’était un homme qui avait d’excellentes qualités (C) : c’est dommage qu’elles aient été accompagnées d’une avarice et d’une cruauté excessives (D). Tel est presque toujours le destin de l’homme. Il ressemble à ces terroirs qui produisent pêle-mêle de bonnes herbes et de mauvaises.

  1. Priorato, liv. IX, à l’an 1631.
  2. Le Blanc, Histoire de Bavière, tom. IV, pag. 374.
  3. Là même, pag. 436.

(A) Il était d’une naissance tout-à-fait obscure. ] Humili apud Lucenburgicos loco ortus, dit M. de Pufendorf, qui ajoute qu’il fut d’abord laquais de quelques barons français, et ensuite secrétaire[1]. Un autre historien ne lui donne pas une condition si chétive : il le fait d’abord étudier, puis aller à la guerre, puis servir de secrétaire, ensuite reprendre les armes : Luxemburgi tenui sed honesto loco editus primam ætatem litteris dedit[2]. Il le fait boileau[* 1] de son naturel, Ingenio prompto atque acri, et naturâ vini abstinens[3], ce qui était une très-mauvaise et très-nuisible qua-

  1. * Combien de gens, dit Leclerc, ne comprendront pas que cela veut dire, buveur d’eau !
  1. Pufendorf, Rerum Suecicar. lib. VI, pag. 157.
  2. Joh. Cluverius, Epit. Histor., lib. XI, Append.
  3. Id. ibid.