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ALCMÉON.

a rapportés dans l’un de ses livres, ne soient pris de quelqu’une de ces pièces. Le lieu commun que Plutarque touche en cet endroit est plus important qu’on ne pense : il regarde un défaut qu’on trouve partout. C’est celui de ceux qui reprochent à leur prochain un vice qu’ils ont eux-mêmes, ou qui est plus petit que le leur. Alcméon reproche à Adraste qu’il est frère d’une femme qui a tué son mari : Adraste lui répond : Et vous, vous avez tué votre propre mère. Il ne faut point faire le Caton et le censeur, lorsqu’on est tout plein de défauts. Οὐκοῦν μηδὲ μοιχὸν λοιδορήσῃς, αὐτὸς ὢν παιδομανής. Μηδ´ ἄσωτον, ἀυτὸς ὢν ἀνελεύθερος.

Ἀνδροκτόνου γυναικὸς ὁμογενὴς ἔϕυς :


Τὸν Ἄδραςον ὁ Ἀλκμαίων. Τὶ οὖν ἐκεῖνος ; οὐκ ἀλλότριον ἀλλὰ ἴδιον ἑαυτῷ προϕέρων ὄνειδος,

Εὺ δ´ ἀυτόχειρ γε μητρὸς ῆ σ´ ἐγείνατο.[1].


Non itaque adulterium objice alteri, ipse insano puerorum amore flagrans, neque prodigalitatem sordidus ipse. Alcmæon Adrastum hoc maledicto incessit,

Tibi quæ maritum suum interfecit est soror.


Quid Adrastus ? Non alienum, sed proprium ei reponit opprobrium,

Matrem necâsti tu manu tuâ tuam.

(C) Ce qu’on a dit de son tombeau mérite d’être considéré ]. Ce tombeau était à Psophis dans l’Arcadie : il n’avait guère d’éclat ni d’ornemens ; mais il était entouré de cyprès si hauts, qu’ils pouvaient couvrir de leur ombre le coteau qui dominait sur la ville. On ne les coupait point, parce qu’on les croyait consacrés à Alcméon, et on les appelait les pucelles[2].

  1. Plutarch. de Capiendâ ex inimic. utilitate, pag. 88
  2. Idem, ibid. Pausan., lib. VIII, p. 255.

ALCMÉON, natif de Crotone, et disciple de Pythagore. On croit qu’il fut le premier qui écrivit sur la physique[a]. Il avait des opinions très-hétérodoxes, comme que la lune était éternelle, et que notre âme tournait toujours à la manière du soleil. Voilà ce qu’en dit Laërce. Cicéron représente mieux le système de ce philosophe ; car, quelle négligence n’est-ce pas que de choisir entre tous les astres auxquels Alcméon attribuait une nature éternelle, celui dont les altérations paraissent le plus, je veux dire la lune ? Il fallait donc dire, comme Cicéron a fait[b], que ce philosophe attribue la divinité à tous les astres, et même à notre âme. Mais comme c’est le propre des méchans systèmes de n’avoir rien de lié, nous voyons que notre Alcméon raisonnait peu conséquemment lorsqu’il faisait une grande distinction entre les connaissances des Dieux et celles des hommes. Il disait que les Dieux savaient manifestement les choses, et que les hommes ne faisaient que conjecturer[c]. Voilà ce que peuvent dire ceux qui reconnaissent un seul et vrai Dieu ; mais ceux qui prennent les astres et les âmes humaines pour autant de Dieux se rendent ensuite ridicules s’ils prétendent que la science humaine et la science divine diffèrent autrement que du plus au moins. Il n’est pas vrai que cet Alcméon soit mort d’une maladie pédiculaire (A).

  1. Phavorin, in omnimodâ Histor. apud Laërt. in Alcmæone, lib. VIII ; Clemens Alexand., Stromat., liv. I ; Theodoret, Serm. I.
  2. Cicero, de Naturâ Deorum, lib. I, cap. XI.
  3. Laërt. in Alcmæon., lib. VIII.

(A) Il n’est pas vrai qu’il soit mort d’une maladie pédiculaire. ] Antigonus Carystius a pris l’un pour l’autre, quand il a dit qu’Alcméon le physi-