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ALCYONIUS.

lologicæ de M. Almeloveen. 2°. Il fallait considérer que, selon M. Varillas, ce prétendu Algionus, ayant déploré les ravages que l’armée de Charles-Quint fit à Rome sous Clément VII, devait être donné au XVIe. siècle : 3°. Ce qu’on a tiré des Anecdotes n’a été purgé d’aucune faute.

(I) De savans hommes ont fort loué Alcyonius et ses traductions. ] Je me contenterai de rapporter ce qui fut écrit à Érasme par Ambroise Léon de Nole, l’an 1518. Cet ami, qui était un fort habile médecin, lui apprit que le sénat de Venise avait fait publier, à son de trompe, que tous ceux qui aspireraient à la profession des lettres grecques, vacante par la mort de Marc Musurus, eussent à se présenter, et qu’on destinait deux mois à prendre leurs noms et à voir ce qu’ils étaient capables de faire sur les auteurs grecs : Statutum est tempus duorum mensium, quo competitores et nomina dent et legendo et aperiendo græcos autores ostendant qui viri sint et quantùm linguâ et ingenio polleant [1]. Ambroise Léon ajoute que plusieurs des disciples de Musurus se préparaient à disputer sa succession, et qu’Alcyonius, l’un des plus polis d’entre eux, s’était fait connaître par des traductions admirables. Il vaut mieux exprimer la chose selon l’original : Inter eorum elegantiores unus Petrus Alcyonius multa è græco in romanum sermonem elegantissimè vertit. Nam orationes plerasque Isocratis ac Demosthenis tantà Arpinitate expressit, ut Ciceronem ipsum nihilominùs legere videaris. Aristotelisque multa vertit tam candidè, ut Latium gloriabundum dicere possit : en Aristotelem nostrum habemus. Idem ipse juvenis, ut est litterarum optimarum utrarumque maximus alumnus, ità tui quoque amantissimus, ac studiorum tuorum laudator summus[2]. Érasme, répondant à cette lettre le 15 du mois d’octobre de l’année suivante, fit faire des complimens à Pierre Alcyonius, et avoua qu’il n’avait jamais ouï parler de lui. Il serait à souhaiter, dans ce partage de sentimens sur la qualité des traductions d’Alcyonius, que le savant M. Huet lui eût fait l’honneur de se souvenir de lui quand il composa les dialogues de Interpretatione.

Joignons aujourd’hui à Léon de Nole un autre témoin. Je trouve que Gabriel Naudé loue beaucoup les versions d’Alcyonius. C’est dans son traité de Fato et Vitæ Termino. Il dit que ce traducteur, ayant discuté trois objections que l’on peut faire contre ceux qui disent que le traité de Mundo est un ouvrage d’Aristote, se tourne ensuite de toutes parts pour n’être pas obligé de convenir que c’est un ouvrage supposé : Difficultates ejusmodi amoliri tentet ; atque ne supposititium hunc fœtum, quem unà cum legitimis aliis elegantissime de græco latinum fecerat, agnoscere cogeretur, vertit se in omnes partes, tandemque his verbis concludit : sed morositatem ejus generis quæstionum grammaticis relinquamus [3].

(K) On trouve quelque chose qui le concerne dans les lettres de Longolius, et qui n’est pas honorable. ] On a déjà vu[4] qu’au sentiment de Longueil, le visage d’Alcyonius, à la nouvelle de la publication de l’écrit de Sépulvéda, serait un objet divertissant. Voici quelque chose de pis. Alcyonius, ayant souhaité passionnément de porter une lettre de Longueil à Marc-Antoine Flamimius, partit sans la prendre ; sur quoi l’on fit cette réflexion : Nôsti hominis ingenium : ille enim et cœnæ quam et opiparam hìc dederamus, et laudum quibus à nobis ornatissimus discesserat, et litterarum quas summâ contentione ut festinanter scriberem pervicerat, oblitus profectus esse dicitur. Quod vos idcircò scire volui, ut meis serbis hâc de inhumanitate cum eo expostuletis [5]. On ajoute qu’il y avait là un coup de bonheur, parce qu’on avait coulé dans cette lettre certaines choses que l’on souhaitait qu’il ignorât autant que tout autre. N’est-ce pas insinuer qu’on le croyait fort capable d’ouvrir une lettre ? Quanquàm id ipsum de quo queror non omninò incommodè nobis cecidisse videri possit, ea enim iis litteris incautè commiseram, quæ illum in primis celatum esse cupiebam. Perfecerat scilicet pris-

  1. Erasmi Epistol. XXVIII lib. X, pag. 530.
  2. Idem, pag. 531.
  3. Gabriel Naudæus, de Fato et Vitæ Termino, pag. 82.
  4. Dans la remarque (B).
  5. Cristoph. Longolius, Epistol, XXI. libri II, folio 203, verso.