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ALCYONIUS.

firmatæ suspicionis invidiam duabus splendidissimis Orationibus peregregiè mitigavit quùm in clade urbis vehementissimè invectus in Cæsarem, populi Romani injurias et Barbarorum immanitatem summâ perfecti oratoris eloquentiâ deplorâsset. Y a-t-il dans ce passage la moindre ombre de luthériens ? Y a-t-il quelque trace de repentir, quelque vestige d’amende honorable au sujet du livre de Gloriâ ? Paul Jove a-t-il quelque autre dessein que de faire voir que les harangues d’Alcyonius furent trouvées si bonnes, qu’on crut beaucoup moins qu’auparavant qu’il fût incapable d’avoir produit de sa tête ce que le livre de Exilio contenait de beau ? Il me paraît très-faux que ces harangues aient été composées à Venise.

Au reste, je m’étonne que Pierius Valerianus, qui a regretté la suppression d’un ouvrage, de laquelle il a taxé Alcyonius, n’ait rien dit du traité de Gloriâ. Ayant rapporté que Pierre Martellus n’avait pu achever quelques ouvrages à cause de ses maladies, il ajoute : Quatuor tamen libros exactissimæ interpretationis in Mathematicas disciplinas Braccius ejus filius ab interitu vendicârat, vel ipsius auctoris de se testimonio absolutos, atque ii Barbarorum [1] manus effugerant, Braccii ipsius diligentiâ in Arcem Æliam asportati. Sed enim in Petri Alcyonii manus cùm incidissent, ità suppressi sunt, ut nusquàm ampliùs apparuerint[2].

Depuis la première édition de ce Dictionnaire, M. Bourdelot, médecin du roi et de madame la duchesse de Bourgogne, m’a fait la faveur de m’envoyer son exemplaire du traité d’Alcyonius. C’est un petit in-4o, imprimé à Venise, l’an 1522, in ædibus Aldi et Andreæ Asulani Soceri. Il a pour titre : Petri Alcyonii Medices Legatus de Exsilio, et contient deux parties [3], qui sont dédiées l’une et l’autre ad Nicolaum Schonbergium, Pontificem Campanum. J’ai trouvé tout-à-fait juste l’instruction que M. de Laroque m’avait écrite touchant cet ouvrage. Il ne contient rien qui se rapporte à l’exil d’un provéditeur vénitien. Les trois interlocuteurs ne considèrent que leur propre état. Ils étaient tous de la maison de Médicis, et souffraient encore le malheur du bannissement. Jean de Médicis se console et les console : c’est lui qui est le principal personnage de la pièce, et qui débite les raisons et les exemples ; c’est à lui, en un mot, que l’auteur prête son érudition et son style assez élégant. Notez qu’on réimprima cet ouvrage d’Alcyonius à Genève, l’an 1624, in-8o., avec deux traités de Cardan[4].

(F) Sa vanité l’empêcha de devenir plus habile. ] C’est le sentiment de Pierius Valerianus : Non displicuisset mihi, dit-il[5], Alcyonius, si quantum stylo profecerat, amicorum consilium de rebus adhibere voluisset, qui nisi ipsimet sibi tantum arrogâsset, futurus omninò fuerat à primoribus multam enim Græcis, Latinisque litteris operam impenderat et disciplinis variis oblectatus erat.

(G) Sa médisance lui attira beaucoup d’ennemis. ] Écoutons encore le même témoin : Is eo primùm infelicitatis incommodo flagellatus est, quòd dùm de litteratis omnibus malè sentit, dicacissimâ omnes obtrectatione lacerabat, undè omnium tam doctorum quàm imperitorum in se odium concitârat. Voyez ci-dessous la remarque (K).

(H) Le supplément de Moréri ne vaut rien sur cet article ] 1°. On n’a pas pris garde que l’Algionus des Anecdotes de M. Varillas est une chimère des copistes. Il y avait sans doute Alcionius dans l’original de ces Anecdotes, et par conséquent il ne fallait pas distinguer de Pierre Alcyonius, que Moréri avait fort bien placé au XVIe. siècle, le prétendu Algionius. Cela me fait souvenir que Claude du Verdier, page 53 de sa Censura in omnes penè auctores, dit que Petrus Avionius a marqué beaucoup de fautes dans le livre d’Apulée de Mundo. L’errata corrige Avionius par Alcionius. Néanmoins on a cité Avionius dans la page 56 du Plagiariorum Syllabus, imprimé à Amsterdam, en 1694, avec les Amænitates Theologico-Phi-

  1. Il parle des soldats de Charles-Quint, qui pillèrent Rome, l’an 1527.
  2. Pier. Valerian. de Litterat. Infelicit., p. 76.
  3. À la 1re., on met au haut des pages Medices Legatus prior, et à la 2e., Medices Legatus posterior.
  4. Celui de Sapientiâ, et celui de Consolatione.
  5. Pier. Valerian. de Litterat. Infelicit, p. 63.