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ALCIAT.

finement au tome III des Jugemens sur les poëtes, numéro 1286[* 1].

Il n’est pas de ceux qui ont persisté dans leurs premiers sentimens ; car on trouve dans ses Parerga, qui est un ouvrage qu’il publia sur ses vieux jours, la rétractation de plusieurs choses que le feu de la jeunesse lui avait fait débiter précipitamment ; et lorsqu’on réimprima, en 1529, ses Dispunctiones, il fit savoir[a] qu’en retouchant ce livre-là, il n’avait point prétendu donner son approbation à tout ce qu’il y avait mis dans ses jeunes ans, ni s’ôter la liberté de changer d’avis. Cette remarque a été faite par un apologiste de l’empereur Justinien[b]. On[c] fit imprimer à Leide, en 1695, une lettre qu’André Alciat n’avait point écrite pour le public, car il faisait une description trop forte des abus de la vie monastique. Il écrivit cette lettre à Bernard Mattius, qui avait été son collègue, et qui tout d’un coup et sans consulter ses amis, s’était fait moine dans l’ordre de saint François. On lui représente doctement et éloquemment son imprudence. Cet écrit d’Alciat fut composé dans quatre jours : on le trouva dans le cabinet de Scrivérius[d]. Il est daté du 7 de juin 1553 (N).

  1. * La Monnaie, dans ses notes sur les Jugemens des Savans (Enfans célèbres, n. 39), rappelle les titres de cinq ouvrages d’Alciat, omis par Bayle, et qui ne sont mentionnés que par J. de Nevizan, à la fin du ier. livre de sa Sylva nuptialis. Nevizan parle de six ouvrages, et tous les six sont énumérés par Leduchat. Joly, d’après le père Montfaucon, cite quelques manuscrits d’Alciat, et, d’après Jordan, quelques lettres qui sont dans la bibliothèque publique de Sainte-Élisabeth, à Breslau.
  1. Voyez la préface du Livre.
  2. Gabriel Trivorius, Observat. Apologet. d’Inscript. Orationis ad Antecessores, pag. 187, édit. Paris, an. 1631.
  3. M. Matthæus, Professeur en droit, à Leide.
  4. Voyez l’Épître dédicatoire de M. Matthæus.

(A) Il était fils d’un riche marchand de Milan ] J’ai suivi Panzirole, le seul des auteurs que j’aie consultés qui le fasse fils d’un homme de cette profession : Ex Joanne pecunioso negotiatore Mediolani ferè nullo parentis dolore natus et educatus fuit[1]. Les autres le font plutôt fils d’un gentilhomme d’ancienne famille : Andreas Alciatus in pago Alciato seu Alzalo Mediolanensi natus è nobili Alciatorum familiâ. C’est ainsi que Claude Minos[* 1] débute[2]. On ne peut pas m’objecter qu’en certains lieux la qualité de marchand et celle de gentilhomme ne sont pas incompatibles ; car lorsqu’elles sont jointes, un historien ne parle guère de la plus faible, sans parler de la plus forte. Puis donc que Panzirole n’a parlé que du négoce du père d’Alciat, il semble qu’il n’ait pas été du sentiment de Claude Minos.

(B) Il s’appliqua au barreau... de Milan, jusqu’à ce qu’il se vit appelé... par l’université d’Avignon. ] Pour le coup, je me garde bien d’adopter le récit de Panzirole. Si je l’adoptais, il faudrait que j’assurasse qu’Alciat, ayant été fait docteur en droit civil et en droit canon, l’an 1517, à l’âge d’un peu plus de vingt-deux ans, enseigna premièrement à Pavie, et ensuite à Avignon : Primùm itaque Ticini professus, posteà Avenioni docuit[3]. Si je disais cela, je démentirais Alciat lui-même, qui, dans une harangue qu’il récita à Pavie, déclare, que lorsqu’il obtint six cents écus de gages à Avignon, il n’était jamais monté en chaire : Avenioni cùm nunquàm ad eam diem cathedram ascendissem stipendium sexcentorum mererer[4]. Le récit de Pan-

  1. * Leclerc dit qu’il fallait écrire Mignault : c’est en effet le vrai nom de l’auteur qui traduisit son nom en latin par Minos.
  1. Panzir. de Claris Legum Interpret., lib. II, cap. CLXIX, pag. 353.
  2. Minos, in Vitâ Andreæ Alciati. Ghilini, Lorenzo Crasso, Paul Freher, Bullart, etc., le font sortir d’ancienne noblesse.
  3. Pamir, de Claris Leg. Interpretib., p. 353
  4. Voyez les Commentaires sur les Emblèmes, pag. 612, édit. de Padoue, en 1661, in-4°.