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ALBUTIUS.

tur etiam T. Albutio supplicationem hunc ordinem denegâsse, quòd est primùm dissimile : res in Sardiniâ cum mastrucatis latrunculis à proprætore, unâ cohorte auxiliaria gesta, et bellum cum maximis Syriæ gentibus ac tyrannis consulari exercitu imperioque confectum. Deindè Albutius, quod à senatu petebat, ipse sibi in Sardiniâ antè decreverat : constabat enim Græcum hominem ac levem in ipsâ provinciâ quasi triumphâsse. Itaque hanc ejus temeritatem senatus supplicatione denegatâ notavit[1]. On croit qu’Albutius commandait dans la Sardaigne l’an 649 de Rome[2].

(C) Il fut accusé de concussion. ] On n’en peut douter après avoir lu ces paroles : Mutius autem augur, quod pro se opus erat ipse dicebat, ut de pecuniis repetundis contra T. Albutium. Is oratorum in numero non fuit, juris civilis intelligentiâ, atque omni prudentiæ genere præstitit[3]. Il n’est pas si certain que Mutius Scévola ait été l’accusateur ; j’aimerais mieux dire qu’il se trouva seulement mêlé dans cette cause, et obligé d’éclaircir ou de soutenir quelque chose qui le concernait, et qui allait à la charge de l’accusé. Il avait assez d’éloquence pour un coup de cette nature, mais d’ailleurs il n’était point orateur : c’est ce que nous lisons clairement dans les paroles que j’ai citées. Quelques critiques y aiment mieux cette leçon : Mutius autem augur, quòd opus erat, per se ipse dicebat[4] : peu m’importe ; car, en lisant ainsi, on ne laisse pas d’avoir lieu de conjecturer que Scévola ne fit qu’intervenir dans cette cause, et parler sur quelque incident. Cette conjecture, dont je parlerai encore dans la remarque (E), se confirme puissamment par une raison que Cicéron allégua contre celui qui lui disputait la charge d’accuser Verrès. Il dit que Caïus Julius, ayant une semblable dispute contre Cnéius Pompée, dans l’affaire d’Albutius, se servit de deux moyens : l’un, que ce Pompée avait été le questeur d’Albutius ; l’autre, que les habitans de Sardaigne l’avaient prié d’accuser Albutius[5]. Il fut juge que Pompée ne serait pas l’accusateur. On peut donc conclure que cette fonction demeura à Caïus Julius. Le lecteur, qui ne le savait pas, apprendra ici, en chemin faisant, qu’on n’approuvait point à Rome qu’un magistrat supérieur fût accusé par son subalterne : Neque ferè unquaàm venit incontentionem de accusando qui quæstor fuisset, quin repudiaretur. Itaque, neque L. Philoni in C. Servilium nominis deferendi potestas est data, neque M. Aurelio Scauro in L. Flaccum, neque Cn. Pompejo in T. Albutium : quorum nemo propter indignitatem repudiatus est, sed ne libido violandæ necessitudinis autoritate judicum comprobaretur[6]. Apulée vient troubler ce que j’ai tâché d’établir ; car il dit dans sa seconde apologie que C. Mutius accusa A. Albutius. Mais il est facile de répondre à cette objection ; puisque, d’un côté, les personnes dont parle Apulée ne s’appellent point comme celles dont il s’agit ici, et que, de l’autre, on ne saurait appliquer au Scévola dont il est ici question ce qu’Apulée remarque de son C. Mutius. Il est certain que notre Albutius s’appelait Titus, et non pas Aulus ; et que notre Scévola se nommait Quintus Mucius : et, comme il était augure, on le désignait souvent par cette charge, Quintus Mucius Scævola augur. L’accusateur dont parle Apulée était un jeune homme qui faisait son coup d’essai pour se mettre au monde, pour se faire connaître dans le barreau : Neque autem gloriæ causâ me accusat ut M. Antonius Cc. Carbonem, C. Mutius A. Albutium..….. quippè homines eruditissimi, juvenes laudis gratiâ primum hoc rudimentum forensis operæ subibant, ut aliquo insigni judicio civibus suis noscerentur, qui mos incipientibus adolescentibus ad illustrandum ingenii florem apud antiquos concessus, diù exolevit[7]. C’est ce qui ne convient point, à notre Mutius Scévola ; il fut consul l’an 636 de Rome[8] : il était vieux quand Cicéron n’avait que dix-huit ans ; c’est-à-dire, l’an de Rome 665 : et Albutius ne fut accusé

  1. Cicero de Provinc. Consular. d. I.
  2. Proust, Commentario in usum Delphini, in Ciceronem de Claris Oratorib.
  3. Cicero in Bruto, d. I.
  4. Corrad. in Brutum Ciceronis, pag. 189. Douza in Lucilium, pag. 99.
  5. Cicero, Divinatione in Verrem, cap. 19.
  6. Idem, ibid.
  7. Apul. Apolog. II.
  8. Cicero, in Lælio, init.