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ALBERT.

temporain d’Urbain IV, et de l’empereur Rodolphe.

(B) Il n’est point l’auteur d’un livre touchant les accouchemens. ] Cet ouvrage est intitulé de Naturâ Rerum, et traite amplement, et par le menu, du métier des sages-femmes. L’auteur soutient que cette matière peut très-bien appartenir à la plume d’un religieux, à cause que l’ignorance des accoucheuses fait périr beaucoup d’enfans, et les prive pour jamais de la béatitude céleste. Pierre de Prusse, moine de l’ordre de saint Dominique, soutient que ce livre de naturâ Rerum a été composé par Thomas de Cantopré, disciple d’Albert-le-Grand ; et il ne nie pas qu’on n’y trouve plusieurs préceptes sur la manière de procurer un heureux accouchement, qui ne peuvent être exprimés sans des termes sales : mais ce n’est point la nature, c’est la sensualité humaine qui a sali ces objets[1] : Admodùm succenset in blaterones illos, qui Alberto imposuerunt, quòd egisset obstetricem : fassus tamen Cantipratanum ad instructionem obstetricum in Opere perperàm supposito præceptori ejus Alberto tradidisse modos et vias felicis obstetricationis, cujus præcepta chartis committi nec voce tradi possunt absque expressione multorum quæ libido non natura fœdavit[2]. C’eût été quelque chose de bien singulier, que de voir Albert-le-Grand entreprendre sur le métier des sages-femmes, et mettre la main à l’œuvre[* 1]. Voyez la remarque [[#ancrage Albert-(A)|(A)]] de l’article Hierophile.

(C) Non plus que de celui de Secretis Mulierum. ] Naudé se sert de ces deux preuves : 1°. Albert ne s’est pas nommé au commencement de cet ouvrage ; celui qui l’a commenté débite un mensonge lorsqu’il soutient le contraire. 2°. On se sert fort souvent de l’autorité d’Albert dans ce livre : il faut donc juger que l’auteur a vescu quelque temps après lui[3]. Ces deux preuves ne valent rien ; et la conséquence qu’on tire de la seconde est nulle. Cent raisons différentes obligent les gens à ne point mettre leur nom au commencement d’un livre : il n’y a point d’auteurs qui se citent plus volontiers eux-mêmes que ceux qui suppriment leur nom ; il n’est rien de plus ordinaire que de citer des auteurs contemporains[* 2]. Voyez ci-dessous la remarque (K).

(D)[* 3] Il a traité quelques questions touchant la pratique du devoir conjugal. ] Pierre de Prusse, ne pouvant disputer le terrain sur le fait, se retranche sur le droit, et montre dans le XVIIIe. chapitre de son livre[4], qu’il est avantageux et nécessaire de savoir les choses naturelles, sans exception des impudiques ; et qu’ainsi, Albert-le-Grand, et quelques autres casuistes, ont eu raison de travailler sur des sujets remplis d’ordure : car, sans cela, les confesseurs ne seraient pas en état de remédier aux désordres de leurs pénitens : Qualia item multa ab Alberto de usu conjugii in-4°. S. d. 31, sub finem, scripto comprehensa fatetur, illud ex ipso Alberto ibidem præfatus [dicendum primò, quod hujusmodi turpes quæstiones nunquàm tractari deberent, nisi illa cogerent monstra quæ his temporibus in confessione audiuntur] ne ergò Confessarii rudes sint medicinæ quam facere debent adeò frequentibus morbis, justum censuit Albertus in illud oletum stylum demittere [5]. Il serait à souhaiter ; nous dit-on, qu’il n’y eût que les confesseurs qui nourrissent leur esprit de ces puantes écritures ; mais il faut qu’il y ait des livres où l’on trouve la résolution des cas de conscience qui concernent ce vilain sujet : Necessarium est enodationem solidam atque legitimam dubiorum circa fœditates illas emergentium prostare alicubi apud probatos doctores, cujusmodi fuit Albertus, qui proindè reprehensione

  1. * Leclerc remarque 1°. que le traité de Naturâ Rerum n’est point imprimé ; 2°. que ce n’est qu’un recueil sur toutes les matières de Physique, et non un traité d’accouchement.
  2. * Ces raisonnemens de Bayle contre ceux de Naudé ne sont pas du goût de Leclerc. Dans l’espèce, cependant, les uns valent les autres.
  3. * Leclerc et Joly ont renvoyé à l’article Sanchez la réfutation de cette remarque.
  1. Petrus de Prussiâ, in Alberti Magni Vitâ, cap. XVIII.
  2. Theoph. Raynaudi Hoploth., sect. II, ser. III, cap. X, pag. 361.
  3. Naudé, Apologie des grands Hommes, pag. 524
  4. Le titre de ce chapitre est : Quod scire naturalia etiam impudica utile sit et necessarium.
  5. Theoph. Raynaudi Hoploth., sect. II, serm. III, cap. X, pag. 361.