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AGRIPPA.

niensem Bonnæ repudiâsset anno tricesimo quinto supra sesquimillesimum. C’est ce que nous apprend Jean Wier [1], qui avait été son domestique. Si Thevet avait su toutes ces choses, il ne se serait pas contenté de nous apprendre qu’Agrippa espousa mademoiselle Louyse Tyssie, issue de fort noble maison, l’an de son âge 23, et de salut 1509[2] : il eût parlé en général pour le moins des deux autres mariages. Melchior Adam en savait plus que Thevet ; car il n’a pas ignoré qu’Agrippa avait eu deux femmes : Duum uxorum maritus nobilium, et liberorum aliquot parens ; mais, outre qu’il paraît avoir ignoré le troisième mariage, il a fait plusieurs fautes de chronologie quand il a parlé du premier. Voici ses paroles : Mortuo Maximiliano, sub diversis et principibus et civitatum magistratibus per Italiam, Hispaniam, Angliam, Galliam, egit, multaque egregia facinora designavit. Tandem, laborum terrâ marique exantlatorum satur ac quietis et otii cupidus, ductâ uxore, virgine nobili, sedem in Allobrogibus fixit, ut procul negotiis sibi ac musis viveret. Invitatus autem ab inclytâ Mediomatricum repub. munus syndici, advocati, et oratoris, obivit[3]. Notez que l’empereur Maximilien mourut le 12 de janvier 1519, et qu’Agrippa fit le voyage d’Espagne en 1508, et celui d’Angleterre en 1510. Voilà donc déjà un anachronisme. Après son retour d’Angleterre, il s’arrêta à Cologne quelque temps, et puis s’en alla en Italie. Il y était encore l’an 1517 [4] : il était à Metz l’an 1518[5] ; il ne retourna point en Italie, depuis qu’il en fut sorti pour venir à Metz : voilà donc un nouvel anachronisme. Remarquez aussi qu’en l’année 1515 il était déjà marié[6]. Où sont donc ces grandes fatigues essuyées par mer et par terre, depuis la mort de l’empereur Maximilien, auxquelles il voulut mettre fin par le mariage ? Comment a-t-il pu se fixer avec sa femme au pays des Allobroges, lui qu’on voit mener une vie fort ambulatoire avec elle dans l’Italie ? Ajoutez à cela, qu’avant son voyage de Metz il m’avait point planté le piquet au pays des Allobroges ; et qu’il était syndic de Metz avant que Maximilien fût décédé. Melchior Adam est tout plein de semblables fautes. Une partie de celles que je viens de marquer sont d’autant plus excusables, qu’on les a faites après Agrippa, qui, faute de mémoire ou autrement, exposa à Marguerite reine de Hongrie, que depuis la mort de Maximilien il avait fait tels et tels voyages, etc. Voyez sa lettre XXI du VIIe. livre. Il ferait beau voir quelqu’un occupé à accorder Melchior Adam avec Thevet. Selon celui-ci, Agrippa se marie à vingt-trois ans ; selon l’autre, il ne se marie qu’après une infinité de voyages et d’affaires, soûl du travail, et cherchant enfin quelque repos.

(I) Il avait protégé une paysanne [* 1] accusée de sorcellerie.] Le dominicain Nicolas Savini, inquisiteur de la foi à Metz, voulait que l’on mit cette femme à la question, sur le simple préjugé que l’on tirait de ce qu’elle était fille d’une sorcière qui avait été brûlée[7]. Agrippa fit tout ce qu’il put pour faire observer exactement les procédures ; et néanmoins il n’empêcha pas que la femme ne fût appliquée à la question : mais il donna lieu à faire connaître qu’elle n’était point coupable. On condamna à l’amende les accusateurs[8]. La peine fut trop douce et trop éloignée du talion.

(K) Il promettait de nouveaux triomphes au connétable de Bourbon. ] Les plaintes d’être employé à des sottises d’astrologie étaient fort propres à déplaire : Scripsi seneschallo, ut admoneat illam ne ad tam indignum artifi-

  1. (*) Cette paysanne était de Vapey [Villa Vapeya], village situé aux portes de Metz, et appartenant au chapitre de la cathédrale. Du reste il avait paru dans le clergé messin, principal accusateur de cette femme, tant de passions basses, et en toutes manières une si grande ignorance des belles-lettres et de la bonne philosophie, qu’à cet égard, dans sa Lettre du 2 juin 1519, Agrippa traitant la ville de Metz d’omnium bonarum litterarum virtutumque noverca, ce pourrait bien être lui qui, par ces flétrissantes paroles, aurait donné lieu au proverbe Metis avara, scientiarum noverca. Rem. crit.
  1. Wier. de Magis, cap. V, pag. 111.
  2. Thevet, Hommes illustr., pag. 222, 223.
  3. Melch. Adam Vit. Medicor., pag. 17.
  4. Agrippa, Epist. I libri II, pag. 722.
  5. Epist. XII libri II, pag. 730.
  6. Epist. XLVII et XLVIII libri I.
  7. Epist. XXXIX libri II, pag. 754.
  8. Epist. XL libri II, pag. 757. Vide etiam pag. 763.