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ADRASTE.

gendre (A), qui avait été exclus de la couronne de Thèbes par Étéocle son frère[a], nonobstant les conventions passées entre eux. Adraste, suivi de Polynice et de Tydée son autre gendre, de Capanée et d’Hippomédon, fils de ses sœurs, d’Amphiaraüs son beau frère, et de Parthenopée[b], marcha contre la ville de Thèbes ; et c’est là cette expédition des sept Preux qui a été tant chantée par les poëtes. Ils y périrent tous, à la réserve d’Adraste que son cheval sauva. C’était un cheval d’importance nommé Arion ; il en faudra parler en son lieu. Cette première guerre fut suivie de quelques autres ; car Adraste, n’ayant pu obtenir les corps des Argiens qui avaient été tués devant Thèbes, eut recours aux Athéniens [c], qui, sous la conduite de Thésée, contraignirent le nouveau roi de Thèbes[d] à faire ce que souhaitait Adraste. Cette satisfaction ne termina point la guerre ; car les fils de ceux qui avaient si mal réussi dans la première expédition en firent une seconde dix ans après, qui fut nommée la guerre des Épigones (B), et qui se termina par la prise et le saccagement de Thèbes. Aucun des chefs n’y périt[e] excepté Ægialéus, fils d’Adraste. Ce fut une espèce de compensation pratiquée par la fortune[f]. Cette perte toucha si sensiblement Adraste, d’ailleurs affaibli par sa vieillesse, qu’il en mourut de chagrin (C) à Mégare[g], comme il ramenait l’armée victorieuse qui avait pris la ville de Thèbes. C’est une marque qu’il fut en personne à la seconde expédition (D), de quoi pourtant il n’y a guère d’écrivains qui aient parlé. Ceux de Mégare honorèrent beaucoup sa mémoire ; mais ce n’était rien en comparaison de ce que firent ceux de Sicyone (E). Ceux-ci lui dressèrent un tombeau au milieu de leur grande place, et lui instituèrent des fêtes et des sacrifices qu’ils célébraient chaque année pompeusement. On peut voir dans Hérodote comment Callisthène, tyran de Sicyone, fit cesser ces choses en haine des Argiens[h]. Il faut savoir qu’Adraste avait été roi de Sicyone[i], en vertu du testament de Polybe son aïeul maternel, chez qui il se réfugia une fois, se voyant contraint de sortir d’Argos (F), et que, pendant son règne, il rendit fort illustre la ville de Sicyone[j] par les jeux pythiques qu’il y établit[k]. Il y a des écrivains qui remarquent que son royaume héréditaire fut celui de Sicyone, et qu’il obtint celui d’Argos par élection ; la douceur de son naturel ayant été cause que ceux d’Argos le prièrent (G) de venir humaniser leur mœurs barbares. Homère ne dit pas tout cela, mais seulement

  1. Pausan., lib. IX, pag. 286.
  2. Hygin., cap. LXX ; Apollod., lib. III ; Diodor. Sicul., lib. V, cap. VI.
  3. Pausan., lib. I, pag. 37.
  4. Étéocle et Polynice s’étaient entre-tués.
  5. Hygin, cap. LXXI.
  6. Voyez la remarque (H).
  7. Pausan., lib. I, pag. 41.
  8. Herod., lib. V, cap. LXVII.
  9. Id. ibid., et Pausan., lib. II, pag. 50.
  10. Pindar. Nem., Ode IX.
  11. Scholiast. Statii, apud Barthium, tom. II, pag. 361, in hæc verba Statii, Thébaïdos, lib. II, vs. 179.

    ......Quis te solio Sicyonis avitæ
    Excitum infrenos componere legibus Argos
    Nesciat ?