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ACCIUS.

après[a]. Ce Brutus prit tant de plaisir aux vers où Accius l’avait loué, qu’il en orna l’entrée des temples et des monumens (G) qu’il fit construire de la dépouille des ennemis. On pouvait faire cela beaucoup plus par un principe de vanité que par un principe d’amitié ; et ce pouvait être moins une preuve qu’on aimât le poëte qu’une preuve qu’on aimait les louanges : mais, en tout cas, cela faisait voir que Décimus Brutus trouvait beaux les vers d’Accius. Or c’était un homme qui pouvait juger d’un ouvrage de cette nature (H). Je ne trouve point que Cicéron ait accusé Accius d’une rudesse de style un peu trop affectée ; cela regarde un autre poëte (I), comme M. Moréri l’eût facilement reconnu, s’il ne s’en fût point fié à ses précurseurs. Ce n’est pas que la dureté de style n’ait été jamais reprochée à Accius, qui d ailleurs a été un poëte fort estimé [b]. On peut voir dans Aulu-Gelle la réflexion de bon sens qu’il opposa à ce reproche (K). La réponse qu’il lit à ceux qui lui demandaient pourquoi il ne plaidait pas, lui qui réussissait si bien sur le théâtre, n’est pas moins sensée (L). Il était de petite taille ; cependant il se fit dresser une très-grande statue dans le temple des Muses[c]. La considération qu’on avait pour lui fut telle, que l’on châtia un comédien (M) qui n’avait fait que le nommer sur le théâtre. Nous verrons dans les remarques si on peut lui attribuer ce que Valère Maxime raconte d’un poëte Accius qui ne se leva jamais pour faire honneur à Jules César dans les assemblées des poëtes. Cicéron a parlé avec beaucoup de mépris d’un Accius qui avait fait une histoire ; et comme le poëte tragique a composé des Annales, il y en a qui veulent que ce soit lui que Cicéron ait maltraité en cet endroit-là. D’autres ne le croient point (N). Il y eut en ce même temps un assez bon orateur nommé Accius, contre lequel Cicéron défendit Cluentius. Il était de Pisaure, et cela peut le faire passer pour parent de notre poëte (O). Il n’est point vrai que Cicéron parle aussi d’un autre célèbre orateur de ce nom, surnommé Navius. M. Moréri a fait là une bévue : il n’a pas considéré que cet Accius Navius n’est pas différent du fameux devin[d] dont il parle quelques pages après, dans l’article Actius Nævius. Il ne se trompe pas moins lorsqu’il distingue du poëte tragique celui qui a fait les Annales citées par Macrobe. Ce qu’il ajoute, qu’Aulu-Guelle parle aussi d’Accius l’historien, distinct du poëte tragique, au chapitre 9 du IIIe. livre, est doublement faux. Cet auteur ne parle d’aucun Accius en cet endroit-là ; et partout ailleurs, lorsqu’il parle d’Accius, c’est le poëte tragique qu’il faut entendre. Il y a eu des gens qui se sont exposés à la raillerie pour avoir

  1. L’an 623. Voyez les Fastes de Sigonius.
  2. Voyez la remarque (N).
  3. Notatum ab auctoribus et L. Accium poetam in Camœnarum æde maximâ formâ statuam sibi posuisse cùm brevis admodium fuisset. Primius, Hist. Nat. lib. XXXIV, cap. V. Charles Etienne dit faussement que Dec. Brutus lui dressa cette statue. Lloyd et Hofman ont adopté cette faute.
  4. Cicer., lib. I. de Divinatione, en conte l’histoire. Moréri cite lib. de Divin. in Verr. qui est une fausse citation.