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ABULFEDA.

dres l’an 1650. L’auteur y cite quantité d’auteurs arabes. Il le composa long-temps avant que de monter sur le trône ; car on a marqué à la fin du livre qu’il fut achevé l’an 721 de l’hégire, qui était le 1321 de Jésus-Christ. Le docte Jean Gravius est celui à qui l’on est redevable de l’édition de Londres dont j’ai parlé. Il joignit à l’original, qui est en arabe, une traduction latine et une préface où il nous apprend qu’il a consulté cinq différens manuscrits : le premier est celui qu’Erpénius avait copié sur l’exemplaire de la bibliothéque palatine ; le second est cet exemplaire même, qui est aujourd’hui à la bibliothéque du Vatican ; deux autres appartenaient à Pocock ; le cinquième avait été acheté à Constantinople. On apprend de plus dans cette préface que Ramusius est le premier qui ait loué cet ouvrage d’Abulfeda et qui en ait indiqué l’usage ; qu’ensuite Castaldus s’en servit à corriger les longitudes et les latitudes de divers lieux ; qu’Ortélius en parle souvent dans son Trésor Géographique, non pas comme l’ayant vu, mais sur la foi de Castaldus ; qu’Érpénius, fâché que personne ne l’eût encore donné au public, résolut de le publier, et qu’il l’aurait fait, si la mort ne l’eût emporté au beau milieu de sa course ; que Schickard fut le premier qui en tira plusieurs remarques d’une profonde érudition, et inconnues jusqu’alors, qu’il a insérées dans son Tarich Persicum ; mais, comme l’exemplaire de la bibliothéque impériale, qui lui fut prêté par Tengnagélius, n’était pas lisible en divers endroits, il laissa le principal de la peine et de la gloire à Jean Gravius[a]. Il est surprenant que M. Moréri ait pu entasser autant de fautes dans un seul article (B) qu’il en a entassé dans l’article d’Abulfeda. Spizélius ne savait pas en 1668, ni Konig en 1678, qu’Abulfeda eût été en Angleterre[b].

    C’est pourquoi Konig n’a pas eu tort de dire qu’Abulfeda a fait un ouvrage de géographie intitulé Directorium Regionum.

  1. Inférez de là que Fabricius, dans son Specimen Linguæ Arab. pag. 99 a tort de dire dans Konig que Schickard a traduit en latin l’ouvrage d’Abulfeda. Spizelius, dans son Specim. Bibl., cite le même Fabrice, comme ayant dit que Schickard a traduit tout cet ouvrage.
  2. Spizelii Specim. Biblioth. univers.

(A) L’an 743 de l’hégire.] C’est ce que témoigne l’auteur arabe du livre intitulé al Sacerdan[1]. Ainsi le jésuite Blancanus s’est abusé lorsqu’il a mis Abulfeda au quatrième siècle du christianisme[2]. Cette erreur devait le garantir de l’autre méprise où il est tombé en donnant à ce géographe le titre de prince de Syrie, d’Assyrie et de Perse. Un peu d’attention aurait pu lui faire comprendre qu’un auteur arabe et mahométan ne pouvait pas être roi de Perse quatre cents ans après Jésus-Christ. Vossius, ayant rapporté le sentiment de Blancanus, s’est contenté de dire qu’il croyait qu’Abulfeda n’était pas à beaucoup près si ancien ; mais au reste il lui donne les qualités de prince de Syrie, d’Assyrie et de Perse[3] : Simler les lui donne aussi. Il s’approche assez du vrai quant à la chronologie, puisqu’il dit qu’il y avait trois cents ans qu’Abulfeda florissait[4]. Au lieu de cela, M. Moréri lui impute d’avoir cru, avec Blancanus, que ce prince de Syrie vivait dans le IIIe. ou le IVe. siècle : Mais il est sûr, ajoute M. Moréri, qu’il a

  1. Apud Gravium, præfat.
  2. Il le nomme Abifeldea dans sa Chronol. Mathematic.
  3. Vossius de Mathematic. Discipl. pag. 250
  4. Il le nomme Abifeldeas et Abilfedæas. Voyez l’Epitome Biblioth. Gesneri.