Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T16.djvu/23

Cette page n’a pas encore été corrigée
12
PRÉFACE

produire. J’ai compris sans peine que je serais secouru plus utilement et plus à propos quand on saurait ce qui me manque et en quoi je manque. J’espère qu’avec ces secours la suite de cet ouvrage sera meilleure qu’elle n’eût été. J’y vais travailler incessamment tandis que l’âge me le permet [1]. Je ne vois rien à quoi il me semble que je puisse mieux employer, ni plus agréablement, le loisir dont je jouis, loisir qui me paraît préférable à toutes choses [2], et qui a toujours paru infiniment souhaitable à ceux qui ont aimé comme il faut l’étude des sciences ; car combien y en a-t-il qui soupirent après le temps où ils puissent assurer

Me jam fata meis patiuntur ducere vitam
Auspiciis, el sponte meâ componere curas [3] !

Il me semble au reste que je puis dire avec raison que ce à quoi je vais travailler sera plus considérable par la qualité même des matériaux que ne l’est ce que je donne aujourd’hui. Le hasard et la surprise ont eu plus de part à cela qu’un choix raisonné. Voici comment. Je différais le plus qu’il m’était possible la composition des articles qui me paraissaient les plus curieux et de la plus grande importance. J’espérais de jour en jour plus de matières et plus d’éclaircissemens, et en attendant je préparais d’autres choses. Il est arrivé de là que d’un côté les articles que je dressais ont pu occuper beaucoup de place, et de l’autre que mes recueils pour les articles que je différais de préparer se sont fort multipliés. Je n’eusse pu donc les mettre en œuvre dans ces deux volumes, sans renverser d’une façon trop énorme la proportion que l’on doit garder entre les lettres de l’alphabet. J’ai été donc contraint de les garder pour un autre temps ; car je ne puis obtenir de moi de ne dire que peu de chose sur un grand sujet lorsque j’en puis dire beaucoup. Ainsi je prends plus tôt le parti de n’en dire rien que celui de l’entamer. La proportion que j’ai gardée entre les lettres de l’alphabet a été cause que j’ai renvoyé quelques articles d’une lettre à l’autre. Il a donc fallu accorder la préférence à ces articles promis [4], ce qui a fait que la lettre à quoi on les renvoyait a eu sa juste étendue, avant que l’on pût dresser ceux qui devaient être fort longs. Je souhaite que mes lecteurs songent à ceci lorsqu’ils auront quelque étonnement de ne voir pas certaines personnes dans cet ouvrage [5].

V. De quelle manière on s’est comporté envers Moréri.

C’est ici que je dois dire de

  1. Dum superest Lachesi quod torqueat, et pedibus me
    Porto meis, nullo dextram subeunte bacillo.
    Juven., sat. III, vs. 27.

  2. ........... Nec
    Otia divitiis Arabum liberrima muto.
    Horat., epist. VII, lib. I.

  3. Voyez Virgile, au IVe. de l’Enéide, vers 340.
  4. Notez qu’il y a quelques-uns de ces articles promis qu’on ne donne pas dans ces deux volumes ; on a été obligé de les renvoyer à un autre temps. [Quelques-uns des articles promis par des renvois n’ont été ajoutés ni dans l’édition de 1702, ni dans l’édition posthume de 1720. J’ai indiqué ceux de ces articles qui n’ont jamais été fournis.]
  5. Par exemple, un Scaliger, un Saumaise, un Seldenus, etc.