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VIE DE M. BAYLE.

et comme une appendice des autres. Dans ses observations générales il remarque que M. Pélisson avait une grande connaissance des belles-lettres, de l’histoire ecclésiastique et de la profane ; qu’il avait étudié l’Écriture sainte, les pères, les controversistes ; qu’il était très-versé dans le droit romain, dont il aimait à employer les autorités sur toutes sortes de matières, ayant fréquenté le barreau pendant quelques années ; qu’étant chargé d’écrire l’histoire du roi, il recueillait tout ce qu’on publiait, et faisait des mémoires et des observations sur tout ce qui se passait par rapport aux affaires d’état et de religion ; enfin, que dans ses traités de controverse on trouve des apostrophes ou des exhortations fréquentes aux protestans, des élévations et des prières à Dieu, et des éloges du roi de France ; caractères qui, pris ensemble, conviennent à auteur de l’Avis, et ne paraissent convenir qu’à lui seul. Mais, pour rendre cette conformité plus sensible, il rapporte dans ses observations particulières un très-grand nombre d’endroits de l’Avis, et les met en parallèle avec des endroits tout semblables des Réflexions, et particulièrement avec le troisième volume de ces Réflexions, publié en 1689 sous le titre de Chimères de M. Jurieu. Il fait voir, par exemple, que, vers la fin de cet ouvrage, M. Pélisson insultait aux réfugiés au sujet des prophéties de M. Jurieu qui les assuraient de leur rétablissement en France, en l’année 1689 ; et que c’est précisément par-là que l’Avis commence. Dans les Réflexions, M. Pélisson dit que M. Jurieu répand son fiel et son venin sur nos temps, contre tout ce que la vérité peut avoir aujourd’hui ou de protecteurs ou de défenseurs les plus illustres, sans respect ni de rang ni de mérite : dans l’Avis, il n’y a rien, dit l’auteur, de si auguste ni de si éminent que vous ayez cru digne de votre respect ; les têtes couronnées, que toutes sortes de raisons devaient garantir de l’insulte de vos libelles diffamatoires, ont été l’objet de la plus énorme et de la plus furieuse calomnie dans plusieurs de vos livres. Dans l’un et dans l’autre, on cite souvent les lois romaines ; on fait valoir l’autorité du grand nombre ; on se moque des prophéties de Drabitius, et des petits prophètes du Dauphiné ; on raisonne sur la situation des affaires de l’Europe ; on s’attache à relever la gloire de Louis XIV, etc. À l’égard de la préface, on juge bien que M. de la Bastide ne l’attribue pas à l’auteur du livre. Il ne lui paraît pas naturel qu’un auteur veuille non-seulement se réfuter lui-même, mais satiriser son propre ouvrage et en faire un portrait affreux.

M. de la Bastide finit sa dissertation en répondant à une difficulté qui offrait naturellement. « Que si l’on demande aujourd’hui, dit-il, pourquoi l’auteur ne se serait-il point déclaré sur ce dernier écrit comme sur les autres, pour ne pas perdre, au moins parmi ceux de sa communion, le mérite de l’esprit, de l’éru-