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SADUCÉENS.

que Vossius les justifie sur ce point-là. Ex philosophis gentium hanc saducœorum opinionem (animam non esse immortalem) amplexi sunt epicurei ; imò longè deteriorem. Nam saducœi agnoscebant Deum curare res humanas, quippè eum cum bonis benè facere in hâc vitâ. Epicurei autem in totum tollebant providentiam divinam[1]. J’ignore, dit M. Saldénus[2], ce qui a pu rendre digne d’un tel honneur, auprès du grand Vossius, une secte aussi infâme ; car ayant consulté plusieurs auteurs qui ont fait des livres touchant les sectes des Hébreux, j’ai vu partout que l’on attribue nettement aux saducéens la rejection de la providence divine. Je me contenterai de choisir, entre plusieurs témoignages, celui de Josèphe. Ayant parlé de la sorte, il allègue ce qui se trouve dans le chapitre IX du XIIIe. livre des Antiquités judaïques, touchant l’opinion des saducéens à l’égard de la prédestination et du franc arbitre. Il aurait mieux fait de choisir ce que j’ai cité au commencement de cette remarque ; car de ce qu’un homme rejette la fatalité de la prédestination, et qu’il donne à la liberté de l’homme une pleine indifférence au bien ou au mal, il ne s’ensuit point du tout qu’il nie la providence divine. Les pélagiens, les sociniens, ceux en un mot qui ont le plus combattu la nécessité des actions humaines, ont soutenu en même temps que Dieu gouvernait le monde, et qu’il punissait le mal et récompensait le bien. Notez que Grotius a prétendu que le texte grec de Josèphe que j’ai allégué n’est point correct.

(D) Nous examinerons ce que l’on a dit des mauvaises mœurs des saducéens. ] M. Willemer les accuse de cruauté[3], et pour soutenir cette accusation il dit qu’ils poussèrent le roi Jean Hyrcan[4] à persécuter fort violemment les pharisiens. Il nous renvoie au chapitre XVII du XIIIe. livre des Antiquités judaïques. J’ai consulté cet endroit-là, et n’y ai trouvé que ceci : Hyrcan, disciple des pharisiens, et fort aimé d’eux, perdit tout à-fait leur amitié. Ils conçurent pour lui une grande haine ; et comme ils lui donnèrent dans une certaine rencontre un grand sujet de se fâcher, il abandonna leur secte, et embrassa celle des saducéens, à l’instigation de Jonathas son favori. Il abolit les ordonnances des pharisiens, et il en punit sévèrement les observateurs. Enfin il apaisa la sédition que ces deux sectes avaient allumée et passa le reste de ses jours en paix et félicité. M. Willemer ajoute qu’Alexandre Jannée, applaudi et incité par la secte des saducéens, fut plus cruel qu’Hyrcan son père ; et qu’étant venu à bout de mille embarras à quoi les Juifs l’avaient exposé, il fit crucifier 800 des principaux pharisiens, et qu’avant qu’ils expirassent, il fit égorger à leur vue leurs femmes et leurs enfans. Il donnait, pendant ces exécutions, un grand repas à ses concubines et aux principaux des saducéens. Cet auteur nous renvoie au chapitre XXII du XIIIe. livre des Antiquités judaïques. Je l’ai consulté sans y trouver aucune mention petite ni grande des saducéens. Quant à l’auteur de la Cabale historique qu’il a citée, je n’ai pu le consulter ; mais qu’il dise tant qu’il voudra ce que M. Willemer rapporte, le faudra-t-il croire ? Un homme aussi éloigné que lui de ces temps-là est-il un témoin valable quand on lui peut opposer le silence de Josèphe ? L’écrivain allemand continue de cette façon. La reine Alexandra réprimant enfin par la voie des châtimens, selon le conseil de son mari, et avec le secours des pharisiens, l’esprit turbulent du saducéisme, ne fut pas pourtant capable de le mettre à la raison, ni d’empêcher les nouvelles brouilleries qu’il excitait dans l’état entre Hyrcan et Aristobule ; et après qu’Hérode se fut défait des ces deux princes, les saducéens abusèrent de sa faveur pour commettre toutes sortes d’attentats[5]. Josèphe, au chapitre XVII

  1. Vossius, de Orig. et Progress. Idolol., lib. I, cap. X, pag. m. 70.
  2. Quod santo apud magnum virum favore propudiosum hoc hominum genus dignum fecerit, fateor me ignorare. Salden., Otia theolog., pag. 559.
  3. Willemer., Dissert. philol. de Sadducœis, pag. 44.
  4. C’est ainsi qu’il le qualifie, Johanni Hyrcano regi autores fuerunt. Cependant Josèphe, Ant., lib. XIII, cap. XIX, dit qu’Aristobule, fils de cet Hyrcan, fut le premier qui prit le titre de roi.
  5. Redigere tamen in ordinem et impedire