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PLOTIN.

Porphyre prend là un peu d’haleine, pour nous dire qu’il a été une fois dans sa vie honoré de cette vision à l’âge de 68 ans, que le but auquel Plotin dirigeait toutes ses pensées était de s’unir au grand Dieu qui remplit tout l’univers ; et qu’il était parvenu quatre fois à cette fin, non en puissance seulement, mais par une efficace ineffable, pendant les six ans que lui Porphyre l’avait fréquenté [1]. Ne voilà-t-il pas la voie unitive dont les mystiques mous parlent tant ? Ne peut-on pas les accuser d’être plagiaires des platoniciens ? Ne voit-on pas aussi dans cet endroit les semences du quiétisme ? Mais rétournons à l’oracle. Plotin avait eu cet avantage, que lorsqu’il sortait du droit chemin, les dieux le reconduisaient en le remplissant de leur lumière ; si bien qu’on avait pu dire qu’il avait composé ses ouvrages à la lueur des rayons célestes qui éclairaient son esprit. Voilà pour ce qui regarde cette vie. Après sa mort il était allé à l’assemblée des bienheureux, où règne la charité, la joie et l’amour d’union de Dieu ; il avait été chez les trois juges de l’autre monde, Minos, Rhadamanthe, Éacus, non pas pour y rendre compte de ses actions, mais pour converser avec eux, et avec les autres divinités qui les vont voir : en un mot il jouissait de la vie bienheureuse. Je ne fais point excuse de la trop grande prolixité de ces remarques. Je suppose qu’on sera bien aise de voir rassemblé en un même lieu, non-seulement ce qui concerne la personne de Plotin, mais aussi ce qui concerne ses dogmes, autant qu’une idée générale le demande.

  1. Τέλος γὰρ αὐτῷ καὶ σκοπός ἦν, τὸ ἑνωθῆναι καὶ πελᾶσαι τῷ ἐπὶ πᾶσι θεῷ. ἔτυχε δὲ τετράκις που, ὅτε συνήμεν αὐτῷ, τοῦ σκοποῦ τούτου, ἐνεργείᾳ ἀῤῥήτῳ, καὶ οὐ δυνάμει Finis namque Plotino signumque erat quo aciem mentis intenderet propinquare conjungique ipsi Deo omnibus ubique præsenti : quater autem dum cum ipso versarer hunc finem est assecutus, non potentiâ duntaxat, inquam, sed actu quodam ineffabili consecutus. Idem, ibid.

PLOTINE (Pompeia), femme de l’empereur Trajan, a été or née de grands éloges par quelques auteurs. Elle n’était pas belle ; et il paraît, par ses médailles, qu’il y avait plus de gravité que d’agrémens dans son air [a] ; mais elle avait beaucoup de prudence et beaucoup de modestie. Trajan l’avait épousée avant que d’avoir été adopté per Nerva (A). Ce qu’elle dit la première fois qu’elle entre dans le palais impérial est très-digne de remarque. En montant l’escalier, elle se tourna vers le peuple, et dit qu’elle entrait là toute telle qu’elle désirait d’en sortir [b] (B). Sa conduite fut telle pendant tout le temps qu’elle régna, qu’on n’en fit aucune plainte [c]. Elle refusa le titre d’auguste, tout autant de temps que son mari refusa celui de père de la patrie [d]. Les conseils qu’elle donna à Trajan furent d’une merveilleuse utilité aux provinces, puisqu’ils servirent à faire cesser une infinité d’exactions et de violences [e]. L’union que l’on vit entre elle et Marciana, sœur de Trajan, n’est pas une petite marque de sa sagesse et de son bon naturel ; car ordinairement il n’y a que des querelles et des factions entre les femmes et les sœurs des princes (C). Elle était avec Trajan lorsqu’il mourut à Sélinonte, ville de Cilicie, l’an 117 de Jésus-Christ, et ce fut elle qui porta à Rome les cendres de son mari, accompagnée de Tatien, et de Matidie, nièce de Trajan [f].

  1. Tristan, Comment. Histor, , tom. I, pag. 428.
  2. Xiphil., in Trajano.
  3. Id., ibid.
  4. Plinius, in Panegyr.
  5. Aurel Victor., Epitom. in Juliano.
  6. Spartian., in Adriano, cap. V, pag. m. 51.