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PYTHAGORAS.

relle, et organique, Dieu n’étant autre chose que le ciel, et se servant du soleil et de la lune comme de deux yeux, et ainsi des autres parties du firmament [1]. Mais voici une pensée qui est simplement et absolument vraie. Clément Alexandrin la compare avec les paroles de saint Paul. Il n’y a que Dieu qui soit sage, disait Pythagoras [2]. L’auteur des Antiquités Judaïques paraît fort content de ce que plusieurs philosophes, et nommément celui-ci, pensaient de la nature de Dieu ; et il ne doute point qu’ils n’eussent parlé encore plus sainement, s’ils n’eussent craint la persécution ; car, comme dit Platon, il n’est point sûr de dire la vérité touchant la nature divine à des ignorans. Καὶ γάρ Πυθαγόρας καὶ Ἀναξαγόρας καὶ Πλάτων, καὶ οἱ μετ’ ἐκέινους ἀπὸ τῆς στοᾶς φιλόνονται, περὶ τῆς τοῦ θεοῦ φύσεως πεφρονηκότες. ἀλλ' οἱ μὲν πρὸς ὀλίγον φιλοσοφοῦντες εἰς πλῆθος δόξαις προκατειλημμένον τὴν ἀλήθειαν τοῦ δόγματος ἐξενεγκεῖν οὐκ ἐτόλμησαν… Αὐτὸς δὲ Πλάτων ὡμολογησεν, ὅτι τὴν ἀληθῆ περὶ θεοῦ δόξαν εἰς τὴν τῶν ὄχλων ἄγνοιαν οὐκ ἦν ἀσφαλὲς ἐξενεγκεῖν. Pythagoras enim, et Anaxagoras, et Plato, et post illos philosophi stoici, et penè cuncti, videntur de divinâ sapuisse naturâ. Sed hi quidem ad breve philosophantes, populo superstitionum opinionibus jam præoccupato veritatem dogmatis pro ferre timuêre [3]Ipse siquidem Plato confessus est, quia veram de Deo opinionem propter ignorantiam plebis proferre securum non est [4]. Le même Josèphe assure que Pythagoras surpasse en piété et en sagesse tous les anciens philosophes [5]. N’oublions pas cette observation de Plutarque lorsqu’il montre la conformité qui se trouvait entre les pensées de Numa et celles de Pythagoras, il dit que Numa ne voulut point qu’on représentât la divinité par des images, et que Dieu, selon Pythagoras, est une nature impassible, qui ne tombe point sous les sens, et qui ne peut être que l’objet de l’entendement [6]. Οὔτε γὰρ ἐκεῖνος αἰσθητὸν ἢ παθητὸν, ἀόρατον δὲ καὶ ἀκήρατον καὶ νοητὸν ὑπελάμβανεν εἶναι τὸ πρῶτον. Neque enim ille sensui aut ulli dolori expositum rerum principium esse, sed invisibile incorruptum, sola mente existimavit apprehensibile [7].

Quant au but de nos actions et de nos études, on ne peut rien voir de plus admirable, ni de plus chrétien, que ce qu’en a dit Pythagoras ; car il voulait que l’étude de la philosophie tendît à rendre les hommes semblables à Dieu. Πρὸς τὴν θέιαν ὁμοίωσιν ἀνάγει, καὶ τῆς Πυθαγορικῆς φιλοσοφίας τὸν τελειότατον σκοπὸν ἐκκαλύππει ad divinam similtudinem ducunt, pythagoricaque philosophiæ finem perfectissimum ostendunt [8]. Voilà l’éloge que l’on donne à une pièce de poésie qui contient les dogmes de ce philosophe. Ils contenaient deux parties que l’on pourrait fort bien comparer à la voie purgative, et à la voie unitive, dont nos mystiques ont dit tant de belles choses. Hierocles, qui commentarios eruditissimos in Carmen Aureum Pythagoræ reliquit, statim ab initio de pythagoricâ philosophiâ disserens, appellat, eam κάθαρσιν καὶ τελειότητα purgationem, et perfectionem. Quæ duo cùm subindicent officium ipsius duplex ac propositum, ut loco alio monstravi, duplicem videri possunt Pythagoras et pythagorici habuisse philosophiam, quarum illa sit καθαρτικὴ, hæc vero τελικὴ ; illa, quæ purgat à malis, separat à materiâ et corpore, liberat à vinculis et carcere ; hæc, quæ perficiat, evehat et reportet sursùm, et εἰς τὸ εἶδος τῆς προτέρας ἕξεως, ut loquitur Hierocles, id est habitus prioris formam inducat, similesque faciat Deo… Id quo ipse indicat Hierocles

  1. Epiphan., hær. XV, pag. 14.
  2. Apud Clement. Alexandr. Stromat., lib. IV, pag. 477.
  3. Josephus, contrà Appion., lib. II, pag. 1071.
  4. Idem, ibidem, pag. 1076.
  5. ὑπειλημμένος διενεγκεῖν τῶν φιλοσοφησάντων. Sapientiâ et divinâ pietate philosophos omnes excellens. Idem, lib. I, contrà Appion., pag. 1046.
  6. Plut., in Numâ, pag. 65.
  7. Idem, Plutarchus, ibidem, B.
  8. Hierocles, in præfatione ad Carmina aurea, circà finem. Voyez aussi Stobée, eclog. XI, cap. III, où il est dit : Σωκράτης, Πλάτων ταὐτὰ τῷ Πυθαγόρᾳ, τέλος ὁμοίωσιν θεω. Socrates et Plato quemadmodùm Pythagoras finem dixerunt, Dei similitudinem.