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PYRRHUS.

jamais au moulin ? Il disait aussi ordinairement[* 1] : Si j’étais valet de ces pyrrhoniens, je prendrais plaisir à les tourmenter. Quand ils me diraient, Épictète versez de l’huile dans le bain, je leur répandrais de la saumure sur la tête. Quand ils me demanderaient de la tisane, je leur apporterais du vinaigre. Et s’ils pensaient s’en plaindre, je leur dirais qu’ils se trompent, et leur persuaderais que le vinaigre est de la tisanne, ou je les ferais renoncer à leur sentiment[1]. »

  1. *Arrian., lib.  2, diss. c. 20.
  1. Gilles Boileau, dans la Vie d’Épictète, pag. 49, 50.

PYRRHUS, fils d’Achille et de Déidamie, fille de Lycomèdes, roi de l’île de Scyros, naquit dans cette île peu avant la guerre de Troie. Il y fut élevé jusqu’à ce qu’Ulysse et Phénix l’en vinrent tirer[a], pour l’amener à ce fameux siége après la mort de son père. Il y alla nonobstant les pleurs de son aïeul maternel (A). On avait appris aux Grecs qu’ils ne prendraient jamais Troie sans le fils d’Achille. Sa grande jeunesse fut cause qu’on lui donna le nom de Néoptolème[b] (B) ; comme la couleur de ses cheveux avait été cause qu’on l’avait appelée Pyrrhus[c] (C). Il se montra digne du sang dont il était né ; car il fut brave, brutal et féroce. Ses beaux faits d’armes et ses bons conseils ont été aussi admirables qu’il a plu à Homère long-temps après, et à d’autres poëtes[d]. L’un de ses plus beaux combats fut contre Eurypyle, fils de Télèphe[e]. Il le tua ; et cette victoire lui plut si fort, qu’à cette occasion il institua la danse qu’on nomma Pyrrhique[f]. Les danseurs devaient être armés de toutes pièces. Il fut plus hardi que tous les autres quand il fut question de se mettre dans le cheval de bois[g] ; et par l’exemple de son intrépidité, il les délivra de la crainte dont ils se trouvaient saisis. La nuit de la prise il fit un carnage épouvantable[h], et massacra même barbarement le roi Priam (D), sans respecter ni sa vieillesse, ni la sainteté du lieu où il le trouva réfugié. Avec la même barbarie, il précipita du haut d’une tour le petit Astyanax, fils d’Hector[i], et ce fut lui qui immola de ses propres mains Polyxène sur le tombeau d’Achille[j]. Il n’eut pas la même dureté pour Andromaque, veuve du vaillant Hector ; il s’accommoda de quelques restes de beauté qu’il lui trouva, et en fit sa femme ou sa concubine[k]. Les auteurs sont partagés sur le pays où il alla après le saccagement de Troie : les uns disent qu’il s’alla mettre en possession du royaume paternel, qui était Phthia dans la Thessalie[l] ; les autres soutiennent qu’il

  1. Sophocles, in Philoct. Voyez aussi Homère, Odys., lib. XI.
  2. Eustath., in II, XIX.
  3. Servius, in. Æn. II, vs. 469.
  4. Homère, Odyss., lib. XI. Quintus Calaber, lib. VII, VIII.
  5. Quintus Calab., ibid.
  6. Hésychius, et Scholiastes Pindarii, in Pythion., Od. II.
  7. Homère, Odys. XI.
  8. Virg., Æn., lib. II. vs. 500, 550. Quint. Calab., libr. XIII. Vide etiam, Pausan., lib. X. pag. 343.
  9. Pausan., lib. X, pag. 342.
  10. Eurip., in Hecub. Lycophr. Ovidius, Metamorph., libr. XIII. Seneca, in Troad. Hygin., cap CX.
  11. Virgile, Æneid., lib. III, vs. 319, et ibi Servius.
  12. Euripid., in Troad. Dictys, lib. VI. Homer., Odys., lib. IV.