Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T11.djvu/599

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
581
PÉRIANDRE.

au premier état [a]. Le jour d’une fête solennelle il ôta aux femmes tous leurs ornemens, et les employa à faire faire la statue d’or qu’il avait vouée [b] (B). Il commit inceste avec sa mère (C) ; il tua sa femme à coups de pied pendant qu’elle était enceinte ; il fit brûler ses concubines dont les calomnies l’avaient irrité contre son épouse ; il se fâcha tellement de ce que son second fils [c] pleura la mort de sa mère, qu’il le chassa, et qu’il le déshérita. Il forma un vilain plan de vengeance contre les habitans de Corcyre : ce fut d’envoyer leurs jeunes garçons [d] au roi Alyattes pour être châtrés : et quand il eut su que le vaisseau qui portait ces innocentes victimes avait relâché à Samos, et que cette jeunesse avait été préservée du malheur à quoi il la destinait, il en conçut un si grand chagrin, qu’il en mourut. Il était alors âgé d’environ quatre-vingts ans [e]. Il y en a qui disent qu’il eut affaire avec sa femme depuis qu’elle fut morte (D) ; brutalité qui n’est guère moins horrible que celle de ce monarque Lydien qui mangea sa femme (E). Quelques auteurs [f] sont assez simples, pour mettre cette action de Périandre au nombre des grands exemples de l’amitié conjugale. Il régna quarante-quatre ans selon Aristote [g], ou quarante selon Diogène Laërce [h]. Il florissait environ la 38e. olympiade [i]. M. Moréri a fait quelques fautes (F).

On trouve dans un ouvrage d’Héraclide, certaines choses qui ne sont pas désavantageuses à Périandre. S’il défendit aux habitans de Corinthe d’avoir des valets, il leur défendit aussi de vivre voluptueusement. Ce n’est pas une mauvaise loi. Il n’imposa aucune taxe à personne, et se contenta de certains péages provenant de la vente, et de l’entrée et de la sortie des marchandises. Il haïssait les méchans, et il faisait noyer toutes les personnes qui s’appliquaient au maquerellage [j]. Enfin, il établit un sénat, et il régla la dépense de ceux qui le composaient [k].

  1. Herodotus, lib. V, cap. XCII, pag. m. 324.
  2. Diog. Laërtius, lib. I, num. 96.
  3. Il se nommait Lycophron. Voyez son article, tom. IX, pag. 209, où je raconte ce qu’en dit Hérodote.
  4. Diogène Laërce ne limite point le nombre. Hérodote, liv. III, chap. XLVIII, le fixe à trois cents, des meilleures familles de l’île.
  5. Tiré de Diogène Laërce, in Vitâ Periandri, lib. I.
  6. Ravisius Textor, in Officinâ, lib. V, cap. III, au titre de Amore conjugali, pag. m. 553, et plusieurs autres après lui.
  7. Aristot. Polit., lib. V, cap. XII.
  8. Lib. I, num. 98.
  9. Ibid.
  10. C’est ainsi que je traduis τὰς προαγωγοὺς πάσας κατεπόντισε. Cragius entend par-là les prostituées.
  11. Tiré d’Héraclide, de Politiis, pag. 17, editionis Cragii, 1593, in-4o.

(A) Il changea le gouvernement de sa patrie. ] Diogène Laërce l’assure formellement. Οὖτος πρῶτος, dit-il [1], δορυϕόρους ἔσχε, καὶ τὴν ἀρχὴν ἐις τυραννίδα μετέςησε. PRIMUS hic armatis circumseptus incessit, magistratumque ad tyrannidem transtulit. Aldobrandin remarque, sur ces paroles, que, si l’on en croit Aristote, il faut donner à Périandre l’invention de la plupart des moyens qui établissent et qui maintiennent la tyrannie [2]. Omnium autem earum rerum quæ ad tyrannidem faciunt constituendam et conservandam, auctorem fuisse Periandrum Cypseli filium, tùm aliis locis, tùm præcipuè

  1. Diog. Laërt., in Periandro, n. 98, lib. I.
  2. Aldobrandinus in Diogen. Laërt., ibid.