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PATIN.

son Introduction à la Science des Médailles fut réimprimée à Paris la même année[1]. Ce livre fut censuré par M. Sallo, la première fois qu’il fut imprimé[2]. L’auteur répondit à cette censure par un écrit intitulé : Lettre d’un ami de M. Patin, sur le Journal des Savans du février 1665. M. Sallo, en parlant de cette lettre[3], continua de traiter M. Patin avec beaucoup de mépris. Cela mit fort en colère Gui Patin, comme il paraît par ces paroles de sa lettre CCCLI. Je les rapporte un peu au long, parce qu’elles nous apprennent entre autres faits la raison qui empêcha Charles Patin de continuer son Apologie. « Je ne sais si vous avez reçu certaine espèce de gazette, qu’on appelle le Journal des Savans, de laquelle l’auteur s’étant plaint d’un petit article contre mon fils Charles, sur la médaille qui fut ici faite l’an passé pour les Suisses, il y a répondu. Je vous ai envoyé sa réponse, laquelle est sage et modeste. Ce nouveau gazetier y a répliqué, et y a parlé en ignorant et en extravagant ; en quoi il n’eût point manqué de réponse forte et aigre avec de bonnes raisons, si on n’eût prié Carolus de surseoir sa réplique, et menacé d’une lettre de cachet. La vérité est que M. Colbert prend en sa protection les auteurs de ce journal, que l’on attribue à M. de Sallo, conseiller en parlement, à M. l’abbé de Bourzé, à M. de Gomberville, et à M. Chapelain, etc. ; si bien que Carolus est conseillé de différer sa réponse, et même par l’avis de monsieur le premier président, qui l’a ainsi désiré (on en dit une cause particulière, savoir qu’il n’est pas bien avec M. Colbert depuis le procès de M. Fouquet). Nous verrons ci-après si ces prétendus censeurs, sinè suffragio populi et quiritum, auront le crédit et l’autorité de critiquer ainsi tous ceux qui n’écriront pas à leur goût. Sommes-nous du temps de Juvénal ? qui a dit hardiment :

Dat veniam corvis, vexat censura columbas.


Une chose néanmoins nous console ; c’est que nous n’avons point tort, et que les savans et intelligens sont de notre avis ; mais ces messieurs abusent de leur crédit. La république des lettres est pour nous, mais M. Colbert est contre, et si mon fils se défend, on dit qu’on l’enverra à la Bastille ; il vaut mieux ne pas écrire[4].

(L) La disgrâce de son ....... fils. ] Charles Patin la déplora : il veut que la calomnie en ait été la vraie cause ; mais il ferme le rideau sur tout cela. Cùm ecce ἀτυχία, dit-il [5], veriùs διαβολὴν, et calumniam dixero, me præcipitem egit, et κακῶν ἰλίαδα intulit. Timanthum [6] imitari liceat, benigne lector, qui cùm mæstos pinxisset adstantes, et tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, ob Iphigeniam stantem ad aras perituram, patris vultum velavit quem satis mæstum pingere desperabat. Velum hic protendamus, seu dolore commoti ob fortunas perditas, seu charitate ob invidorum nequitiam. Son père n’a pas été si mystérieux, il particularise certaines causes, ou plutôt certains prétextes, je ne sais quels livres de contrebande trouvés dans l’étude de son fils. Il vaut mieux le laisser parler. Tout le monde le plaint, personne ne l’accuse, et hors de quelques fripons de libraires, il est aimé de tout le monde. Cependant il est absent, et nous l’avons obligé de s’y résoudre malgré sa stoïcité. Il avait toujours espéré que la justice du roi s’étendrait jusques à lui : mais nos ennemis ont eu trop de crédit. Cependant, pour adoucir notre plaie, on dit, 1o. que c’est par contumace que son procès lui a été fait, comme à un homme absent qui n’a pu se défendre ; 2o. que ça été par commission souveraine et particulière sans droit d’appel, ce qui est extraordinaire, et marque d’autant plus le dessein qu’on avait de le perdre ; 3o. que la plupart des juges ont reçu des lettres de cachet et de recommandation, sur ce qu’on avait besoin d’un

  1. Voyez l’Histoire des Ouvrages des Savans, décembre 1694, pag. 174.
  2. Voyez le Journal des Savans, du 23 février 1665, pag. m. 150.
  3. Dans le Journal des Savans, du 9 mars 1665, pag. m. 202.
  4. Guy Patin, lettre CCCLI, pag. 34, 35 du IIIe. tome. Voyez aussi les pages 33, 54, 62, 64, 73 du même volume.
  5. Carolus Patinus, in Lyceo Patavino, pag. 91.
  6. Il eût fallu dire Timanthem.