Numina læva sinunt, auditque vocatus Apollo[1].
Plutarque se trompe aussi, lorsqu’il
veut que les philosophes et les poëtes
se soient accordés dans la doctrine
des deux principes. Ne se souvenait-il
pas d’Homère le prince des poëtes,
leur modèle, leur source commune ;
d’Homère, dis-je, qui n’a préposé
qu’un dieu aux deux tonneaux du
bien et du mal ?
Δοιοὶ γάρ τε πίθοι κατακείαται ἐν Διὸς οὔδει,
Δώρων, οἷα δίδωσι, κακῶν, ἕτερος δὲ ἑάων.
ᾯ μέν καμμείξας δῴῃ Ζεὺς τερπικέραυνος,
Ἄλλοτε μέν τε κακῷ ὅγε κύρεται, ἀλλοτε δ᾽ ἐσθλῷ.
ᾯ δέ κε τῶν λυγρῶν δώη, λωϐητὸν ἔθηκε.
καί ἑ κακὴ βούϐρωςις ἐπὶ χθόνα δῖαν ἐλαύνει·
Φοιτᾷ δ᾽ οὐτε θεοῖσι τετιμένος, οὔτε βροτοῖσιν.
Duo quippe dolia jacent in Jovis limine
Donorum quæ dat, alterum malorum, alterum vero bonorum.
Cui quidem miscens dederit Jupiter fulmine gaudens,
Interdùm quidem in malum ille incidit, interdùm et in bonun :
Cui verò ex malis dederit, injuriis omnibus obnoxium facit :
Et illum exitialis dolor acerbissimus super terram almam exercet :
Vagaturque nec diis honoratus neque mortalibus[2].
M. Costar censura avec raison ces
paroles de M. de Girac : Il semble que
sous avez voulu imiter le Jupiter
d’Homère, et que, puisant dans des
tonneaux, vous versez comme lui avec
les deux mains cette diversité de matière,
au hasard et sans choix. Voici
la censure : la comparaison de Jupiter
me fait de l’honneur, mais
elle n’en fait guère à celui qui l’allègue
si mal à propos. Homère[* 1],
qui est l’inventeur de cette fiction,
et Platon qui la rapporte[* 2] dans
sa République, n’expriment point
que Jupiter, ayant puisé dans ses
tonneaux les biens et les maux de
la vie ; les répandit inconsidérément
sur les misérables mortels. Ils
disent seulement que tantôt il les
versait tout purs, et tantôt il en
faisait un mélange ; d’où venait
qu’entre les hommes les uns étaient
toujours malheureux, et que la
destinée des autres n’était qu’un
flux réciproque de bonheur et d’adversité
[3]. » Mais M. Costar a oublié
une chose qui méritait d’être
observée : il n’a point dit que des
trois choses qui se pouvaient faire
auprès de ces deux tonneaux, Jupiter
n’en fait que deux. On pouvait ou ne
verser que du bon tonneau, ou ne
verser que du mauvais, ou prendre
de l’un et de l’autre. Homère s’est bien
gardé de parler de ces trois fonctions :
il savait trop bien que la première
n’a point de lieu : et je crois même
qu’il aurait bien fait de supprimer la
seconde ; car où est l’homme si malheureux
dont le sort ne soit mêlé
d’aucun bien ? Platon a rejeté cette
pensée d’Homère, par la raison qu’il
est de l’essence de Dieu de ne faire
que du bien ; d’où il conclut que
Dieu n’est la cause que d’une partie
des événemens humains. Οὐδ᾽ ἄρα ὁ
θεὸς, ἐπειδὴ ἀγαθὸς, πάντων ἂν ἐίη
αἴτιος, ὡς οἱ πολλοὶ λέγουσιν· ἀλλ᾽ ὀλίγων
μὲν τοῖς ἀνθρώποις αἴτιος, πολλῶν
δὲ ἀναίτιος· πολὺ γὰρ ἐλάττω τἀγαθὰ
τῶν κακῶν ἡμῖν· καὶ τῶν μὲν ἀγαθῶν
οὐδένα ἄλλον ἀιτιατέον, των δὲ κακῶν
ἄλλ’ ἀττα δεῖ ζητεῖν τὰ ἀίτια, ἀλλ’ οὐ
τὸν θεόν. Non igitur Deus, quùm bonus
sit, omnium causa est, ut multi
dicunt, sed paucorum quidem hominibus
in causâ est, multorum verò
extrà causam. Multò enim pauciora
nobis sunt bona quàm mala. Et bonorum
quidem solus Deus causa est
dicendus. Malorum autem quamlibet
aliam præter Deum causam quærere
decet[4]. Il dit que les poëtes qui
nous donnent cette fiction des deux
tonneaux parlent follement de Dieu,
et commettent un grand péché. Οὐκ
ἀρα, ἀποδετέον οὔτε Ὁμήρου,
Οὐκ ἄρα, ἦν δ' ἐγώ, ἀποδεκτέον οὔτε Ὁμήρου οὔτ᾽
ἄλλου ποιητοῦ ταύτην τὴν ἁμαρτίαν περὶ
τοὺς θεοὺς ἀνοήτως ἁμαρτάνοντος, καὶ
λέγοντος ὡς δοιοὶ πίθοι. Neque Homeri
igitur, neque alterius poëtæ admittendum
est peccatum, stultè de Diis