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GOLIUS.

voya cent exemplaires à la foire de Francfort, que Plantin acheta tous, en niant que cette pièce fût de Lipse, et en menaçant que l’imprimeur et le vrai auteur s’en repentiraient [1]. Le libraire de Zurich fit savoir ces choses à Goldast, et le pria de justifier que cette harangue était de celui dont elle portait le nom. Un professeur de Zurich avertit Goldast des menaces de Juste Lipse, et lui marqua que le tissu et le fil de la harangue faisaient connaître que Lipse en était l’auteur : Nos quidem ex filo orationis conjicimus omninò ejus esse [2]. C’est ainsi que les savans de Zurich jugèrent : le goût de ceux de Paris était tout autre ; ils n’y trouvèrent point le style de Lipse. Lipsii oratio nova nobis visa fuit, nec in eâ Lipsii stylum sine monitione tuâ unquàm agnovissemus [3]. Les menaces de Juste Lipse ne furent point vaines. Il s’adressa aux magistrats de Francfort, qui ordonnèrent que cette harangue serait effacée du Catalogue de leur foire [4]. Il les en remercia, et leur montra par bien des raisons l’imposture de ceux qui la lui avaient supposée. Il soutint entre autres choses qu’il n’était point à Jéna le 31 de juillet 1574, et qu’il en était parti le premier de mars [5]. Goldast mérita toute sorte de confusion ; il n’y eut guère de gens équitables qui ne fussent persuadés à cet égard de l’innocence de Lipse. Insulsam illam et vix latialem orationem de duplici concordià litterarum et religionis Jenæ, ut volunt habitam, jam olim falsimoniam esse meram, editâ epistulâ ipse ostendit, et nuper suppositicii istius fœtus parens Melchior Haiminsfeldus Goldastus se prodidit [6]. Mais il y a des gens si entêtés, qu’ils ne veulent démordre de rien, et qu’ils sont à l’épreuve des raisons les plus évidentes. Il s’en trouva qui s’obstinèrent à soutenir que Lipse avait harangué tout comme Goldast le supposait. Lisez ce qui suit [7]. Justi Lipsii nomine, de duplici concordiâ litterarum et religionis, editas orationes [8], non esse ipsius, sed Melchioris Goldasti, Miræus in Vitâ Lipsii, pag. m. 67 refert. Carolus etiam Scribanius jesuita, cap. ult. defensionis posthumæ, Lipsii operibus in folio præfixæ, aliquot jam ante mensibus quàm orationes istæ habitæ perhibentur, Lipsium, Jenà discessisse, audacter scribit : sed vide refutationem hujusce mendacii factam à Sagittario in Lipsio Proteo, Francofurti 1614 edito. Je ne prétends pas nier l’inconstance de Juste Lipse sur le fait de la religion.

(K) On se plaignit de son humeur un peu bizarre. ] Lorsque son patron Schobinger lui conseille de s’en aller à Lausanne, si la dépense y était moindre qu’à Genève, il ajoute cette restriction : Modò à crebris migrationibus in posterum abstineas, quæ neqne è re neque pro existimatione tuâ morositatis nescio cujus suspectum te apud nonnullos fecêre, qui id mihi Tiguri nuper objecerunt [9].

  1. Jean-Jacques Frisius avertit Goldast de tout cela. Sa lettre est dans le recueil.
  2. Waserus, epist. ad Goldastum. C’est la XXXVIIIe. du recueil.
  3. Vassan, dans la lettre XXXI du recueil, écrite de Paris à Goldast, le 23 de septembre 1600.
  4. Voyez la LXVIIIe. lettre de Lipse. Centur. ad Germanos et Gallos, pag. m. 700.
  5. Idem, ibid. pag. 702.
  6. Miræus, in Vitâ Lipsii, circa finem, pag. m. 35.
  7. Placcius, de Pseudonymis, pag. 219.
  8. Il ne fallait pas s’exprimer par le pluriel ; car il n’y avait qu’une harangue.
  9. Voyez la lettre LVIII du recueil imprimé l’an 1688. Elle est datée de Saint-Gal, au mois de février 1602.

GOLIUS (Jacques), professeur en mathématique et en arabe dans l’académie de Leyde, naquit à la Haie, l’an 1596, d’une famille ancienne et considérable (A). Il eut une forte inclination pour les lettres, et un génie de grande étendue ; car il ne se contenta pas d’étudier les langues, la philosophie, les antiquités grecques, les antiquités romaines, la théologie, la médecine ; il s’appliqua aux mathématiques avec une extrême ardeur. À l’âge de vingt ans il quitta l’académie