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GOLDAST.

regardait un frère de Melchior Goldast. Le sieur Charles Fugger, président de la chambre impériale de Spire, avait fait savoir à Scioppius l’action barbare et le supplice de ce frère de Goldast. Voici ce qu’il lui apprit. Sebastianus Heiminsfeld, dictus Guldenast, natus Cellæ episcopi in Turgoviâ, die sextâ junii anno 1603 proptereà in carcerem conjectus fuit, quòd pridiè feminam quandam, Dorotheam de Gries, bambergæ aut Herbipoli, quemadmodùm ipse retulit, natam, quam diebus aliquot hàc illàc circumduxerat, bene mane non longè ab hàc civitate priusquàm patefactæ essent portæ, Satanæ instinctu cultro immaniter obtruncâsset, et omni vestitu usque ad lineam interulam spoliâsset, ac postquàm aliquantum de viâ regiâ eam provolverat, in civitatem portis commodum apertis ingressus in hospitium publicum divertisset, ubi et captus mox, factumque quæstioni subjectus, et sponte etiam suâ, confessus die 10 ejusdem mensis Rotæ supplicio affectus fuit [1]. Scioppius apprit peu après de Jodocus Mezler, vicaire de l’abbé de Saint-Gal [2], que Melchior Goldast était plein de vie. Il écrivit donc à son ami qu’il ne fallait pas imprimer ce qu’il lui avait mandé touchant le supplice de cet homme. Hoc à te pro amicitiâ nostrâ peto, ut si adhuc est integrum, illa supplicii de monstro isto sumpti mentio ex Scaligero meo Hypobolymæo circumscribatur. Sin autem, quod vereor, hâc ipsâ meâ epistolâ ad calcem libri illius adjunctâ totius gestæ rei ordinem palàm omnibus declarari cupio [3]. Cette deuxième lettre est datée du 3 de mars 1607, et par-là on peut convaincre les deux gentilshommes de s’être trompés à la circonstance du temps ; car au commencement de novembre 1606 [4], Scioppius écrivit à son ami qu’ils lui avaient dit que Goldast avait souffert le dernier supplice l’année précédente, superiori anno. Or c’était le 10 de juin 1603 que le frère de Goldast fut roué [5]. Ils disaient aussi que quand Goldast massacra la demoiselle auprès de Strasbourg, il faisait le voyage d’Allemagne avec le duc de Bouillon, dont il était secrétaire. Cela ne s’accorde point avec une lettre que Goldast écrivit au sieur Schobinger, son Mécène, au mois de février 1603 [6]. Il n’était plus avec le duc de Bouillon, et néanmoins l’assassin de la demoiselle, interrogé par ses juges au mois de juin 1603, dit que Melchior Goldast, son frère, était au service du duc de Bouillon [7].

(I) On ne saurait approuver la conduite de Goldast à l’égard de Juste Lipse. ] Scioppius, qui était un grand exagérateur, n’eut point de honte de dire dans un temps où il croyait que Goldast avait été rompu sur la roue, que le principal crime qui lui avait attiré cette affreuse peine, était d’avoir supposé une harangue à Juste Lipse. Hujus ego non minùs facti, quàm supplicii atrocitatem cum animo meo recogitans, nullius magis sceleris, quàm quòd orationem illam, de quâ Lipsius cent. iv epist. lxviii ad consules ac senatum Imperialis oppidi Francofurtensis scribit, ejusdem Lipsii nomine præscriptam minimè Helveticâ simplicitate, sed actu plusquàm punico et verè Genevensi malitià Tiguri edendam curâsset, pænas ab eo expeditas et sumptus esse judicavi [8]. Cette harangue avait pour titre, de duplici Concordiâ Litterarum et Religionis, et parut l’an 1600. On supposait que Lipse l’avait prononcée à Jéna, le 31 de juillet 1574. Elle ne fut pas imprimée à Leyde, comme le titre le portait, mais à Zurich, par Jean-Jacques Frisius [9]. On en en-

  1. Oporinus Grubinius, in Amphotidibus Scioppian. pag. 109, 110.
  2. Voyez la remarque (D).
  3. Opor. Grubin., Amphot. Sciopp., pag. 109.
  4. La IIe. lettre de Scioppius fut écrite cinq mois après la première. Ibid., pag. 106.
  5. Sebastianus Melchioris frater Germanus is fuerit qui Argentinæ, anno 1603 a. d. 10 Junii, ob crudelissimum homicidium et latrocinium affectus, nunc quoque superbus et celsus in rotâ, velut in radiato disco, quotidiano prandio asso, inquam, benè ad solem tosto corvos accipiat. Ibidem, pag. 107. Voyez ci-dessus, citation (24).
  6. Voyez le Recueil des Lettres écrites à Goldast, imprimé en Allemagne, l’an 1688.
  7. Amphotides Scioppian., pag. 110.
  8. Ibidem, pag. 105.
  9. Voyez, la lettre de Stuckius à Goldast, dans le recueil cité ci-dessus, citation (29), c’est la XVIIIe. Voyez, aussi Lipse, epist. LXVIII Centur. ad German. et Gallos.