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CHARPENTIER.

queuse, et alliée de la France, qui s’en était heureusement prévalue depuis trois ans ou environ, qu’Adolphe-Gustave, roi de Suède, avait fait descente en Allemagne, et avait rempli de terreur cette grande province [1].

(B) Il fut tué faisant les fonctions de colonel au siége de Bréda, l’an 1637. ] Nous avons vu dans la remarque précédente ce que M. de Wicquefort en a dit : ajoutons-y ces paroles d’un autre auteur[2] : « M. de Charnacé fit tout ce qu’il put pour porter le prince d’Orange à assiéger une autre place, plus importante pour l’avantage commun des alliés, que celle-là. En quoi cet ambassadeur avait lui-même plus d’intérêt qu’il ne croyait, puisque ce siége lui devait être fatal, y ayant été tué d’un coup de mousquet à la tête, qu’il reçut à l’attaque d’une corne. On le regretta fort à la cour, tant pour ses bonnes qualités, et pour les grands services qu’il rendait à l’état, que pour l’alliance qu’il avait avec le maréchal de Brézé, à cause de Jeanne de Brézé, son épouse. Son cœur fut apporté en France, et est enterré dans l’église des carmes d’Anvers, avec une épitaphe où sa mort est marquée le 1er. de septembre. »

(C) Il n’est pas vrai que la perte de sa femme ait produit en lui l’effet funeste dont on a parlé dans le Mercure Galant. ] L’abbé Deslandes, grand archidiacre et chanoine de Tréguier, a fait insérer une lettre dans le Mercure Galant[3], où il assure que Charnacé, étant en Allemagne auprès de Gustave, fut si touché de la nouvelle qu’il apprit de la mort de son épouse, de la maison de Brézé, qu’il en perdit la parole pour toute sa vie. Chacun voit que c’est une fable. Gustave périt à la bataille de Lutzen, l’an 1632, et Charnacé déployait en Hollande toute sa plus fine rhétorique l’an 1634, pour empêcher qu’on ne conclût une trêve avec l’Espagnol. Était-ce l’affaire d’un homme muet ? On ne saurait rectifier ce faux conte, en changeant le temps et le lieu où Charnacé apprit la mort de sa femme ; car nous avons vu qu’il tâcha de persuader qu’on n’assiégeât point Bréda, mais une place dont la perte fût plus pernicieuse à l’Espagne. Ses conseils furent inutiles : on fit le siége de Bréda ; et il y perdit la vie. Où trouverons-nous donc le temps qu’il n’a pu parler ? Nous verrons ailleurs[4] que l’abbé Deslandes n’a pas débité un conte moins apocryphe touchant Fernel.

  1. Auberi, Hist. du cardin. de Richelieu, liv. IV, chap. XLII, pag. m. 390, 391.
  2. Là même, liv. V, chap. LII, pag. 596, 597.
  3. Au mois de novembre 1693.
  4. Dans la remarque (G) de l’article de Fernel, tome VI.

CHARPENTIER (Pierre), en latin Carpentarius, natif de Toulouse[a] au XVIe. siècle, faisait profession de la religion réformée ; mais il publia un écrit qui le fit considérer comme un furieux ennemi des réformés (A). Il enseigna quelque temps la jurisprudence dans Genève [b], et il en sortit fort mécontent, et sans dire adieu à ses créanciers. Cela paraît par une lettre que Théodore de Bèze lui écrivit le 1er. d’avril 1570[c]. Cette même lettre témoigne qu’il avait femme et enfans. Il fit imprimer quelques autres livres (B) : il vivait encore l’an 1584, et il était avocat du roi au grand conseil[d]. M. Rivet, qui avait tant de connaissance de toutes sortes d’auteurs, ne connaissait guère celui-ci (C).

  1. Thuan., lib. LIII, pag. m. 1092, col. 2.
  2. Idem, ibid.
  3. C’est la LIIe. lettre de Théodore de Bèze.
  4. La Croix du Maine, Bibliothéque franç., pag. 380.

(A) Il publia un écrit qui le fit considérer comme un furieux ennemi des réformés. ] Cet écrit était tombé dans oubli ; mais un religieux bénédictin [1] l’ayant inséré dans ses Entretiens

  1. Nommé le père Denys de Sainte-Marthe.