Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T03.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
BABYLAS.

qui n’avait que faire de cela pour le but de son discours, ne lui fasse considérer que l’indignité de ce supplice en général[1].

(C) Brantôme le croyait capable... de faire violer les femmes. ] Le duc de Montpensier avait la coutume de recommander ses prisonnières à son guidon, viro benè vasato et benè mutoniato. Brantôme décrit cela fort librement, et ajoute ce qui suit. « Voilà la punition de ces pauvres dames huguenotes, inventée par monsieur de Montpensier, qui me fait penser avoir été prise et tirée possible de Nicephore[2] par monsieur Babelot, où il dit que l’empereur Théodose ôta et abolit une coutume qui étoit de long-temps dans Rome, à savoir, que si quelque femme avoit été surprise en adultère, les Romains la punissoient, non par la coërcion du crime qu’elle avoit commis, mais par plus grand embrasement de paillardise ; car ils enfermoient en une étroite logette celle qui avoit commis l’adultère, et puis après permettoient impudemment qu’elle assouvist sa lubricité et paillardise son saoul, et d’un chacun qui voudroit venir, et qui étoit plus vilain et sale. C’est que les compagnons galans et paillards qui alloient, se garnissoient et accommodoient de certaines sonnettes au temps qu’ils avoient compagnie avec la dame, à ce qu’au mouvement elles, faisant un son et tintinnement, donnassent non-seulement avertissement aux passans et écoutans de leur fait et besogne qu’ils y étoient, mais aussi afin que par ce moyen et à ce son de sonnette fust enseignée cette peine conjointe avec injure et opprobre. Quel opprobre ! dont elles s’en soucioient beaucoup. Vrayement voila une terrible coutume que ce sage empereur abolit, ainsi que le dit l’historien Nicéphore, dans lequel possible M. Babelot l’avoit feuillettée et tirée, pour la faire pratiquer à ce brave guidon[3]. »

  1. Lact., Instit. divin., lib. IV, cap. XVIII.
  2. Il eût mieux valu citer Socrate, liv. V, chap. XVIII.
  3. Brantôme, Mémoires, tom. III, pag. 282, 283.

BABYLAS [* 1], l’un des plus célèbres martyrs de l’ancienne église, fut fait évêque d’Antioche, dans le IIIe. siècle, sous l’empire de Gordien [a]. Il gouverna son église comme un bon et saint prélat doit faire, et, après s’être acquitté dignement de sa fonction environ treize ans, il mérita la couronne du martyre, vers l’année 251, pendant la persécution de Décius. Quelques-uns disent qu’il fut effectivement mis à mort pour la foi chrétienne [b] : d’autres disent qu’il mourut dans la prison [c]. On convient qu’il souhaita d’être enterré avec ses chaînes [d]. On prétend que ses reliques imposèrent silence à un oracle d’Apollon. Sant Chrysostome a déployé plus d’une fois toutes les forces de son éloquence, pour célébrer la mémoire de saint Babylas : c’est dommage qu’il n’ait pas été assez instruit des faits qu’il avance. Il suppose que ce martyr fut mis à mort pour avoir exclus de l’entrée de l’église un empereur criminel (A), et il parle du crime de cet empereur en homme qui m’avait guère consulté l’histoire (B). Il n’a point même su ce que l’on disait de la déférence de ce prince pour la discipline sévère de saint Babylas (C). On

  1. * Joly se contente de renvoyer aux Mémoires de Trévoux, juin 1737, qui contiennent une Dissertation sur ce que rapporte saint Chrysostome du martyre de saint Babylas, contre la censure injurieuse que fait M. Bayle de la narration du saint docteur.
  1. Euseb., Hist. ecclesiast., lib. VI. cap. XXIX.
  2. Chrysostom., tom. I, pag. 641, 669.
  3. Martyrolog. Romanum., ad diem 24 januar. Euseb., Hist. ecclesiast., lib. VI, cap. XXXIX.
  4. Chrisostom., tom. I, pag. 669, et Martyrol. Romanum, ad diem 24 januarii.