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BAUDOUIN.

mort. Voilà tout ce que Papyre Masson raconte de cette affaire. Prenons donc pour des hyperboles fabuleuses la plupart des faits que M. Bullart nous va conter. Ce fut pendant le séjour de Bauduin à Angers, qu’arrivèrent en France les seigneurs polonais, qui venaient offrir leur couronne à Henri, duc d’Anjou. On avait besoin d’un habile homme pour recevoir cette superbe ambassade, et pour y répondre. Il était important de faire des remercîmens de celle offre, sans abaisser la dignité royale qui était offerte : il fallait parler en roi, et en homme reconnaissant : on ne trouva personne en France plus capable de l’entreprendre que le sage Bauduin. Le duc d’Anjou l’ayant fait venir à Paris, ce grand homme parut dans les salles du Louvre entre les premières personnes de l’état : il fut l’interprète de cette fameuse légation : il n’eut pas moins d’acclamation par l’excellence de sa réponse, que le fameux Zamoski par celle de sa harangue ; et il se rendit si considérable à ces illustres ambassadeurs, qu’on résolut de l’envoyer en Pologne, pour affermir cette couronne sur la tête du nouveau roi, et pour disposer ces peuples à le recevoir ; mais sa dernière maladie, qui lui survint au même temps, le frustra de cet honneur, et le duc d’Anjou de l’espérance qu’il avait de rétablir l’université de Cracovie par son moyen[1]. Il ne pouvait guère rien arriver d’aussi glorieux que cela à un professeur d’Angers : d’où vient donc qu’un de ses meilleurs amis n’en parle point dans l’éloge qu’il lui consacre ? On ne saurait en donner de bonnes raisons, à moins qu’on ne dise que cela est faux, car il est contre toutes les apparences qu’il eût ignoré une telle chose, si elle fût arrivée. Il doit être permis aux faiseurs d’éloges de se servir d’un langage plus figuré et plus flatteur que s’ils faisaient une histoire, mais la menterie ni les amplifications capables de faire changer l’espèce d’une aventure ne leur doivent pas être plus permises qu’aux historiens : ainsi l’on peut dire que M. Bullart s’est jeté dans des excès inexcusables. M. de Thou, qui a raconté exactement ce qui concerne les ambassadeurs de Pologne, leurs harangues, et les réponses qui leur furent faites, ne dit rien de notre Baudouin[2]. C’est toujours l’évêque de Posnanie qui harangue : c’est toujours un chancelier qui lui répond : Birague, chancelier de France, répondit quand ils haranguèrent Charles IX. Chiverni, chancelier du duc d’Anjou, repartit quand ils haranguèrent ce duc, et quand ils lui lurent l’acte de son élection. Si quelque autre prend aussi la parole, c’est Nicolas-Christophle Radzievil de la part des Polonais[3], c’est Paul de Foix de la part de Charles IX[4]. Ma remarque serait plus faible si absolument M. de Thou n’avait fait aucune mention ni de Zamoski ni de Baudouin, mais il se trouve qu’il parle d’eux, et voici comment. Il assure qu’on vit imprimée une harangue de Zamoski, mais que l’on ne savait pas qu’elle eût été récitée : In eandem rem edita an habita sit incertum oratio luculenta a Joanne Zario Zamoscio[5] : et il ajoute que Baudouin fit imprimer une autre harangue adressée à Zamoski. N’est-ce pas clairement nous faire entendre que Baudouin ne fut pas choisi pour interpréter la harangue de ce Polonais, et pour y répondre en présence de toute la cour ? Quoi de plus fort contre le narré de M. Bullart ?

(F) Il mourut entre les bras de sa fille unique. ] Elle se nommait Catherine, et fut « mariée en premières noces à Jean de Sauzay, sieur de Sainte-Ouanne en Poitou ; et en secondes à Adam le Changeur, sieur du Cotau en Berri[6]. » Elle naquit à Heidelberg[7]. Sa mère s’appelait Catherine Biton, et était de Bourges. Elle était veuve de Philippe Labbe, bisaïeul du père Labbe, jésuite, quand elle épousa Baudouin[8]. Elle avait de son premier mari quelques enfans qui, non moins que leur

  1. Bullart, Académie des Sciences, tom. I, pag. 229.
  2. Thuan., lib. LVII initio.
  3. Idem, ibid., pag. 47.
  4. Idem, ibid., pag. 49.
  5. Idem ibid., pag. 47. Notez que les pages sont ici très-mal marquées dans l’édition de M. de Thou, faite à Francfort, en 1625.
  6. Ménage, Remarques sur la vie d’Ayrault, pag. 158.
  7. Papyr. Masso, Elogior. parte II, pag. 261.
  8. Ménage, Remarques sur la vie d’Ayrault, pag. 158.