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BAUDOUIN.

du Pays-Bas il s’en alla à Paris. Ils devaient dire qu’il n’alla à Paris qu’après s’être réfugié à Genève, où il se fit de la religion[1]. Il se vantait que, pour faire profession de l’Évangile, il avait souffert l’exil et la privation de tous ses biens, mais quelques-uns assuraient que sa mère lui fit tenir tout ce qu’il pouvait prétendre de patrimoine. Fortunis exutum fuisse negant conterranei et familiares : quia extra Cæsaris ditionem à matre et cohæredibus permissum fuit sumere quantum ex hæreditate, si integra fuisset ejus conditio, pervenire ad eum poterat : ut ne quidem assis jacturam fecerit. Et aliquandò coram homini gratulatus sum, quòd tam facilè recuperâsset quod sibi credebat periisse[2]. Observez, je vous prie, un défaut d’exactitude dans Papyre Masson. Il ne dit rien du voyage que notre Baudouin fit au Pays-Bas, à la sollicitation des grands seigneurs qui voulaient remédier aux désordres que la trop grande sévérité des lois pénales contre les sectaires produisait de jour en jour. Il n’a parlé que d’un voyage fait sous le gouvernement du duc d’Albe. C’est avoir oublié le principal : c’est réduire toute cette affaire à une petite partie. Ce que j’ai cité de Valère André, et de Nicolas Burgundius, et de quelques autres, et qui est fort considérable dans la vie de Bauduuin, se doit rapporter à l’an 1564, sous le gouvernement de la duchesse de Parme. Ce fut cette année-là que Cassander et Baudouin furent attirés par les mécontens. L’un, savoir Cassander, fut indiqué par le comte de Horne ; et l’autre, par le comte Louis de Nassau[3]. On crut que c’étaient deux hommes qui pourraient pacifier les différens de religion. Le prince d’Orange combla de promesses François Baudouin, et le destina, non-seulement à une chaire de professeur dans l’université de Louvain, ou dans l’université de Douai, mais aussi à une charge au conseil privé. Baudouin, retournant en France pour revenir dans le Pays-Bas en temps et lieu, reçut de ce prince beaucoup de présens. Le comte Louis de Nassau le sollicita plusieurs fois à tenir parole, et tâcha de l’éblouir par l’éclat d’une dignité prochaine, imminentium honorum blanditiis allicere[4], mais Baudouin ne crut pas trouver son compte dans l’affaire qu’il avait promise : tous ses amis lui déconseillèrent de s’y engager, et il espéra plus de récompenses de la peine qu’il prenait à mettre d’accord les Bourbons avec les Guises[5]. Voilà des choses qui méritaient bien d’être touchées par Papyre Masson : et cependant il n’en a pas dit un mot ; et au lieu de cela il nous raconte que les Espagnols le demandèrent pour la profession en droit civil dans l’université de Douai, qu’ils lui promirent six mille florins de gages par an, et une portion de cinquante mille florins aux confiscations des gens proscrits, et que le duc d’Albe le reçut civilement, etc. Il paraîtrait fort étrange, que les Espagnols eussent honoré de cette manière un homme qui avait favorisé les desseins du prince d’Orange, si l’on perdait de vue la mobilité de Baudouin, je veux dire son extrême facilité à prendre un nouveaux parti. L’historien que je cite, ayant rapporté un beau discours du prince d’Orange, ajoute que c’était le fruit des conversations de Baudouin. Nemini mirum videri debet, tantam in illo principe eluxisse cognitionem philosophiæ, ex Balduini colloquiis hauserat[6].

Je dirai ailleurs[7] ce qu’il fit au sujet de la Saint-Barthélemi.

(E) Le duc d’Anjou.... le fit venir à Paris au temps que l’on y reçut l’ambassade polonaise. ] Baudouin était maître des requêtes de ce prince[8] : il s’acquit les bonnes grâces des ambassadeurs de Pologne par les conversations qu’il eut avec eux, et il publia un discours de Legatione Polonicâ, dédié à Jean Zamoski[9] : on croit qu’au printemps suivant il eût été en Pologne, s’il ne fût pas

  1. Voyez ci-dessus, citation (4), les paroles d’Antonius Guærinius.
  2. Calvinus, Respons. ad Balduinum, sub fin., pag. 370 Tractatuum theologicor.
  3. Frère de Guillaume, prince d’Orange.
  4. Nicol. Burgund., Hist. belg., lib. II, pag. 68.
  5. Tiré de Nicolas Burgund., pag. 67, 68.
  6. Nicol. Burgund. Hist. belg., pag. 131, ad ann. 1564.
  7. Dans la remarque (A) de l’article de (Pierre) Charpentier.
  8. Ménage, Remarques sur la vie d’Ayrault, pag. 185.
  9. C’était l’un des ambassadeurs de Pologne.