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ATTILA.

coup moins forte pour Quintus Cicéron son beau-frère, que pour Cicéron. Erat nupta soror Attici Q. Tullio Ciceroni, easque nuptias M. Cicero conciliârat, cum quo à condiscipulatu vivebat conjunctissimè, multò etiam familiariùs quàm cum Quinto, ut judicari possit plus in amicitiâ valere similitudinem morum quàm affinitatem [1]. Pomponia, sœur d’Atticus, n’était pas toujours fort bien avec son mari[2] : elle n’était donc guère propre à serrer le nœud de l’amitié de son mari et de son frère. 3°. Cicéron n’a point dédié un volume de ses Lettres à Atticus : il fallait dire qu’il eut un continuel commerce de lettres avec lui, et que l’on a un recueil de lettres qu’il lui écrivit, qui est divisé en seize livres. Cornelius Népos en parle[3], et dit que l’on y trouve l’histoire du temps, et en quelque sorte la prophétie de ce qui devait arriver : Ut nihil in iis non appareat, et facil existimari possit prudentiam quodammodo esse divinationem. Non enim Cicero ea solùm quæ vivo se acciderunt futura prædixit, sed etiam quæ nunc usu veniunt cecinit ut vates. 4°. C’est outrer les choses, que de dire qu’Atticus n’avait que des serviteurs qui fussent propres pour lire devant lui. Il fallait se contenter de dire qu’il avait quelques domestiques savans, capables de bien lire et de bien écrire, et de relier un livre ; et que tous ses valets de pied s’entendaient à tout cela[4]. Cornélius Népos n’en dit pas davantage ; d’où vient donc qu’au XVIIe. siècle on ose en dire vingt fois plus qu’il n’en a dit ? N’a-t-il pas expressément remarqué qu’outre les domestiques qui pouvaient être lecteurs et libraires [5], Atticus en avait d’autres, tous bien dressés, sans qu’il y en eût aucun qui ne fût né et qui n’eût été élevé dans sa maison ? In eâ (familiâ) erant pueri litteratissimi, anagnostæ optimi, et plurimi librarii, ut ne pedissequus quidem quisquam esset qui non utrumque horum pulchrè facere posset. Pari modo Artifices ceteri quos cultus domesticus desiderat apprimè boni. Neque tamen horum quemquam nisi domi natum domique factum habuit[6]. La première et la troisième de ces quatre fautes ne sont pas dans l’édition de Hollande.

  1. Cornelius Nepos, cap. V.
  2. Voyez les Lettres de Cicéron à Atticus, liv. V, lettre I.
  3. Cap. XVI.
  4. On trouve le nom de quelques-uns de ces domestiques d’Atticus dans les lettres que Cicéron lui a écrites.
  5. Il faut entendre par ce mot les copistes et les relieurs, selon la manière d’accommoder des livres en ce temps-là.
  6. Cornelius Nepos, cap. XIII.

ATTILA, roi des Huns, surnommé le Fléau de Dieu, vivait au Ve. siècle. On peut le compter parmi les plus grands conquérans, puisqu’il n’y eut guère de provinces dans l’Europe qui ne sentissent le poids de ses armes victorieuses. Il n’accorda la paix à l’empereur Théodose, qu’en le rendant son tributaire (A). La bataille qu’il perdit dans la Champagne [a], l’an 451, ne l’affaiblit pas tellement, qu’il ne se vît bientôt en état d’aller ravager l’Italie ; et si les prières du pape Léon ne l’eussent pas arrêté, il eut pris infailliblement la ville de Rome. Il ne faut pas croire ce que l’on raconte de l’apparition d’un vieillard tenant une épée nue à côté de saint Léon, et menaçant Attila. Ce roi des Huns était de petite taille [b], mais cela n’empêchait pas qu’il ne jetât la terreur dans l’âme des plus intrépides, tant il avait la démarche fière, et le regard foudroyant. Il savait fort bien joindre la ruse à la force (B). La superstition était l’une de ses ruses (C). Il était dissimulé, fin et subtil, sage dans le conseil, et hardi dans l’exécution, cruel à ses ennemis, mais assez doux à ceux qui se met-

  1. In Campis Catalaunicis.
  2. Maimb., Hist. de l’Arianisme, tom. III, pag. 5 ; ex Jornande, cap. XXV, et Paulo Diacono, in Miscellan., lib. XV.