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ARTÉMIDORE.

Les sages lecteurs n’auront pas beaucoup de peine à juger de tout ceci : je leur en laisse le soin, et me contente de leur mettre devant les yeux les phrases d’Artémidore. Τοῦτο δὲ καὶ σϕόδρα διαϐεϐλημένων τῶν ἐν ἀγορᾷ μάντεων, οὓς δὴ προΐκτας τε καὶ γόητας καὶ βωμολόχους καλοῦσιν οἱ σεμνοπροσωποῦντες, καὶ τὰς ὀϕρῦς ἀνεσπακότες, καταϕρονήσας τῆς διαϐολῆς ἔτεσι πολλοῖς ὡμίλησα [1]. Partim verò cùm omnes vales ex foro profligati essent, utpotè quos mendicos, præstigiatores, ac scurras appellant hi qui gravi simulato vultu supercilia contrahunt, cum eis tamen, omni spretâ calumniâ, per multos annos conversatus sum.

(E) Il croyait que son travail sur les songes lui avait fourni de quoi payer de raison et d’expérience. ] Il faut l’entendre lui-même. Ἀεὶ τὴν πεῖραν καὶ κανὸνα καὶ μάρτυρα τῶν ἐμῶν λόγων ἐπιϐοῶμαι. Ἐγὼ μὲν οὖν πάντων ἤδη διὰ πείρας ἐλήλυτθα· τῷ μηδὲν ἄλλο πράττειν, ἀεὶ δὲ καὶ νυκτὸς καὶ μεθ᾽ ἡμέραν πρὸς ὀνειροκρισίαι εἶναι. [2]. Semper experientiam et regulam testes meorum sermonum advoco. Ego itaque ad omnium experientiam jam perveni, neque enim quicquam aliud feci, verùm semper et noctù et interdiù circa somniorum judicationem ac interpretationem versatus sum.

(F) Il fait à ses lecteurs.... une adjuration au nom de.... la providence, qui prend garde à tout. ] « Si quelqu’un », dit-il [3], « peut ajouter de nouvelles choses à mon livre, qu’il les garde pour lui, qu’il les conserve en pure propriété ; cela est plus commode : s’il trouve que j’en ai dit trop, il n’a qu’à prendre ce qui sera à son usage, et laisser le reste où il est. » Τὰ λοιπὰ τῶν βιϐλίων μὴ ἐξαίρων, θεὸν ἐπόπτην καὶ Φύλακα πάντων νομίζων τὸν Ἀπόλλωνα. Reliquis ex libris non exemptis deum inspectorem et custodem omnium reveritus Apollinem. Il craignait ces tours de fripiers, qui ont lieu dans la librairie, par lesquels on bouleverse tout le travail d’un auteur, tantôt par des abrégés, et tantôt par des mélanges.

(G) Il a dédié ses trois premiers livres à un Cassius Maximus. ] M. Rigaut n’a trouvé cet homme nulle part ; et peut-être, dit-il, devrait-on lire ΓΑΒΙΩ ou ΤΑΤΙΩ ΜΑΞΙΜΩ ; car Jules Capitolin fait mention d’un Gavius Maximus, qui fut préfet du prétoire pendant vingt ans, sous l’empire d’Antonin, et qui eut pour successeur Latius Maximus. Quoi qu’il en soit, le héros du livre d’Artémidore était Phénicien de nation [4], grand orateur, et d’un esprit si pénétrant que, sans lire tout ce que les auteurs avaient dit, il entendait leurs ouvrages [5]. André Schot le nomme Cossinus Maximus, et le distingue de Cassius Maximus [6]. Deux fautes pour une, sans compter celle de la remarque (C) [7]. Je ne sais si personne s’est avisé de conjecturer qu’il faudrait mettre Claudius Maximus, au lieu de Cassius Maximus. Il y avait sous l’empire d’Antonin Pius un proconsul d’Afrique nommé Claudius Maximus. L’accusation de magie, dont Apulée se défendit, fut portée devant ce proconsul. Il paraît, par divers endroits de son plaidoyer, que ce Claudius Maximus passait pour savant, et pour un homme qui avait été curieux. des livres de philosophie : Benè quòd apud te, Maxime, causa agitur, qui pro tuâ eruditione legisti profectò Aristotelis περὶ ζώων γενέσεως, περὶ ζώων ἀνατομῆς, περὶ ἱςορίας multijuga volumina : prætereà problemata innumera ejusdem, tum ex eâdem sectâ cæterorum in quibus id genus varia tractantur. C’est ainsi qu’on lui parle dans la page 115. Peu après, on l’apostrophe de cette manière : Audisti, Maxime, quorum pleraque scilicet legeras apud antiquos philosophorum. Ailleurs [8] on lui dit : Multa fando, Maxime, audisti, et plura legendo didicisti, non pauca experiendo comperisti ; comme aussi [9] An quod multo præstabilius est, tuâ doctrinâ, Claudi Maxime, tuâque perfectâ eruditione fretus, contemnam stultis et impolitis ad hæc respondere. Il semble même qu’il avait été au commencement philosophe de profession, et qu’il s’était poussé par ses longs services militaires. Erras...

  1. Artem., in Præfatione, pag. 3.
  2. Idem, lib. II, sub fin. pag. 161.
  3. Idem, ibidem.
  4. Artem., lib. II, sub fin. pag. 161.
  5. Idem, in Præfat., pag. 4.
  6. Andr. Schott, in Senecæ Controvers. IX.
  7. Citation (13).
  8. Apuleïi Apologia, pag. 149, volume II, edition. Lugdun., an. 1614, in-8o.
  9. Ibidem, pag. 157.