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ARISTON.

et les sentences peuvent être d’une merveilleuse utilité (B). Ariston disait que la nature de Dieu n’était pas intelligible. Cela porte à croire qu’il négligeait absolument la contemplation des choses divines (C). Il fut l’antagoniste d’Arcésilas sur l’hypothèse de l’incertitude ; mais, si l’on ajoutait foi à Diogène Laërce, on croirait que le scepticisme était alors, et mal attaqué et mal défendu (D). On dit qu’Ariston était fort chauve, et que ce fut ce qui lui causa la mort, le soleil lui ayant brûlé la tête [a]. Il était devenu voluptueux sur ses vieux jours. Ératosthène et Apollophane, ses disciples, nous apprennent cette particularité dans Athénée [b]. Je ne sais pas si ce fut en ce temps-là qu’il devint flatteur d’un philosophe [c], qui était très-bien à la cour d’Antigonus [d]. Sa secte ne dura que peu de temps (E). Il disait une chose, qui peut rendre moins odieuse la doctrine d’Aristippe qu’elle ne l’est ordinairement (F). On lui donnait des ouvrages qui étaient d’Ariston de Céa, philosophe péripatéticien (G). Nous aurons à remarquer quelques méprises de Vossius (H).

  1. Diog. Laërt., lib. VII, num. 164.
  2. Athen., lib. VII, cap. VI, pag. 281.
  3. Il s’appelait Persée.
  4. Athen., lib. VI, pag. 251.

(A) Il retrancha beaucoup de la morale... Sénèque l’en blâme avec raison. ] Lisez ces paroles : Aristo Chius non tantùm supervacuas esse dixit naturalem et rationalem, sed etiam contrarias : moralem quoque quam solam reliquerat, circumcidit. Nam eum locum qui monitiones continet, sustulit, et pædagogi esse dixit non philosophi : tanquam quidquam aliud sit sapiens quàm humani generi pædagogus [1]. Il le réfute assez au long dans un autre lieu [2].

(B) Les sentences, selon Sénèque, peuvent être d’une merveilleuse utilité. ] Il dit que, quand elles sont en vers, ou en prose resserrée, elles frappent vivement l’esprit, et allument les semences de l’honnêteté, qui sont naturelles à notre âme. Ipsa quæ præcipiuntur, per se multùm habent ponderis : utique si aut carmini intexta sunt, aut prosâ oratione in sententians coarctata. Sicut illa Catoniana : Emas non quod opus est, sed quod necesse est. Quod non opus est, asse carum est. Qualia sunt illa, aut reddita oraculo, aut similia : Tempori parce ; Te nosce. Numquid rationem exiges, cùm tibi aliquis hos dixerit versus ?

Injuriarum remedium est oblivio.
Audentes fortuna juvat.
Piger sibi ipse osbtat.

Advocatum ista non quærunt : affectus ipsos tangunt, et naturâ vim suam exercente proficiunt. Omnium honestarum rerum semina animi gerunt, quæ admonitione excitantur : non aliter quàm scintilla flatu levi adjuta, ignem suum explicat [3]. Il ajoute qu’elles font sentir quelquefois leur force aux plus ignorans, et qu’Agrippa, favori d’Auguste se reconnaissait très-redevable à un apophthegme sur la concorde. Quis negaverit, feriri quibusdam præceptis efficaciter etiam imperitissimos ? velut his brevissimis vocibus, sed multùm habentibus ponderis :

Nihil nimis.
Avarus animus nullo satiatur lucro.
Ab alio exspectes alteri quod feceris.

Hæc cum ictu quodam audimus, nec ulli licet dubitare, aut interrogare... M. Agrippa, vir ingentis animi, qui solus ex his quos civilia bella claros potentesque fecerunt, felix in publicum fuit, dicere solebat, multùm se huic debere sententiæ : nam concordiâ parvæ res crescunt, discordiâ maximæ dilabuntur. Hâc se aiebat, et fratrem, et amicum optimum factum [4]. Ceci confirme admirablement

  1. Seneca, Epistolâ LXXXIX, pag. 366. Voyez-le aussi, Epist. XCIV, et Sextus Empiricus adversùs Mathematicos, lib. VII.
  2. Seneca, Epist. XCIV.
  3. Idem, ibid., pag. 387.
  4. Idem, ibid., pag. 388.