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ARISTARQUE.

næthum Chium asserit primum Homeri poësim dispersam recitâsse. Cùm uterque post Pisistrati tempora floruerit. Cinæthus enim, si Pindari scoliastæ credimus in Nemeon, od. 2, sub olympiade sexagesimâ nonâ apud Syracusas Homeri carmina ἐραψῴδησε [1].

(E) Cicéron et Horace se servirent de son nom, pour désigner un critique très-rigide. ] Consultez la Harangue contre Pison, vous y trouverez ces paroles : Verum tamen, quoniàm te non Aristarchum, sed Phalarim Grammaticum habemus, qui non notam apponas ad malum versum, sed Poëtam armis persequare, scire cupio quid tandem isto in versu reprehendas,

Cedant arma togæ [2]


Le même orateur déclare qu’il redoutait les coups d’ongle de son ami Atticus. Nostrum opus tibi probari lætor : ex quo ἄνθη ipsa posuisti quæ mil florentiora sunt visa tuo judicio. Cærulas enim tuas miniatulas illas extimescebam [3]. C’est ainsi qu’on s’exprimerait aujourd’hui, pour signifier les censures qu’un lecteur voudrait marquer à la marge de quelque livre, et les cærulas miniatulas du passage que je rapporte. Atticus était donc un de ces amis fidèles qui examinent sévèrement les compositions de leurs amis. Pour marquer cela, Cicéron l’appelle son Aristarque. Quid multa ? totum hunc locum, quem ego variè meis orationibus, quarum tu Aristarchus es, soleo pingere, de flammâ, de ferro, (nosti illas ληκύθους) valdè graviter pertexuit [4]. Les vers d’Horace que je vais citer donnent une idée qui est une forte preuve de mon texte.

Vir bonus et prudens versus reprehendet inertes,
Culpabit duros : incomptis allinet atrum
Transverso calamo signum : ambitiosa recidet
Ornamenta : parùm claris lucem darè coget :
Arguet ambiguè dictum : mutanda notabit :
Fiet Aristarchus : nec dicet : Cur ego amicum
Offendam in nugis [5] ?

(F) Quelques-uns lui attribuent une pensée que d’autres donnent, ou à Théocrite, ou à Isocrate. ] On rapporte ce bon mot d’Aristarque : « Je ne puis pas écrire ce que je voudrais, et je ne veux pas écrire ce que je pourrais [6]. » Voilà ce que dit M. Dacier sur ces paroles d’Horace :

Si quantum cuperem, possem quoque [7].


Jusqu’ici, aucun des auteurs que j’ai consultés ne m’a conduit à la source ; mes recherches ont été encore plus inutiles qu’à l’égard de la prophétie d’Aristarque. C’est ce qui me fait souhaiter passionnément que M. Dacier, et plusieurs autres qui lui ressemblent en cela, veuillent avoir la bonté de se défaire de la coutume de ne point citer. Craignent-ils que le grand et le beau monde, pour qui ils travaillent, ne juge que les citations sentent trop l’auteur, le pays latin, l’université ? Mais j’ai de la peine à croire qu’un comte de Guiche [8], par exemple, eût été fâché de savoir où l’on trouve qu’Aristarque a dit ce bon mot, et qu’on l’a traité de Prophète. Toute dame qui aime l’érudition serait encore plus aise de savoir si Plutarque, ou Aristote, rapportent un fait, que de savoir en général qu’on l’a rapporté. Cela soit dit en passant. Revenons à notre texte. Nous lisons dans les recueils de Stobée, que Théocrite, interrogé pourquoi il n’écrivait pas, répondit : Parce que je ne pourrais le faire comme je voudrais, et que je ne veux pas le faire comme je pourrais. Ἐρωτηθεὶς διὰ τί οὐ συγγράϕει, ὅτι, ἐ͂ιπεν, ὡς μὲν βούλομαι, ὀυ δύναμαι· ὡς δὲ δύναμαι, οὐ βούλομαι [9]. Isocrate, étant à la table de Nicocréon, roi de Cypre, fut prié de discourir : il n’en voulut rien faire, et allégua cette excuse. Ce que je sais n’est pas de saison, et ce qui serait de saison, je ne le sais pas. Οῖς μὲν ἐγὼ δεινὸς, ὀυχ ὁ νῦν καιρός· οἷς δὲ ὁ νῦν καιρὸς, ὀυκ ἐγὼ δεινός [10]. De quibus ego vim habeo dicendi rebus, eas occasio non admittit : de quibus autem dicere jam esset tempestivum, de iis nihil

  1. Allatius, de Patriâ Homeri, pag. 96, 97.
  2. Cic., Orat. in L. Pisonem, cap. XXX.
  3. Cicero, ad Atticum, lib. XVI, Epist. XI.
  4. Idem, ibid., lib. I, Epist. XIV.
  5. Horat., de Arte poëticâ, vs. 445.
  6. Dacier, Remarques sur l’Épître I du IIe. liv. d’Horace, pag. 435.
  7. Horat., Epist. I, lib. II, vs. 256.
  8. On dit dans la suite du Ménagiana, pag. 6, édition de Hollande, que ce comte, au milieu de ses plaisirs et de l’embarras de la cour, ne laissait pas d’étudier au moins réglément trois heures par jour.
  9. Stobæus, Serm. XXI, de Cognosc. seipso.
  10. Plutarchus, in Vitâ Isocrat., pag. 838, F. Voyez-le aussi Symposiac., lib. I, cap. I, pag. 613, A.