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ARÉTIN.

Il a toujours cru que c’étaient les planches originales, gravées par Marc Antoine, qu’il avait détruites [1].

(L) Ses Ragionamenti furent imprimés pendant sa vie ; mais on a de la peine à déterrer quand ils le furent la première fois. ] La préface de l’édition de 1584 ne permet pas de douter du premier de ces deux faits. Le libraire, sous le nom supposé de Barbagrigia, déclare que l’auteur avait résolu de publier ses Dialogues, divisés par journées, à la manière de Boccace, et comme ils le sont dans l’édition que j’ai cotée ; mais que d’autres le devancèrent, et qu’ils publièrent cet ouvrage contre son gré, et en assez grand désordre : Hoggi vi presento di loro una buona parte... da me ridotte ne la maniera ch’esli le compose, e ne la medesima maniera ch’egli haveva diterminato di farle la prima volta stampare, s’altri (contra sur voglia) non l’havessero prima di lui date per mezzo de la stampa in luce assai male acconcie : conciosia cosa che Giornate questo nomasse per seguitare l’alte pedate del gran Giovanni Boccaccio. Je joins à cela quelque chose de plus précis, et je le fais avec d’autant plus de satisfaction, qu’en même temps je m’acquitte d’un devoir indispensable envers M. Minutoli, par le témoignage public que je lui donne de mon estime singulière, et du grand prix que je mets à l’amitié dont il m’honore. J’avais consulté cet habile professeur de Genève, et voici l’extrait qu’il me communiqua d’une lettre qu’on lui avait écrite de Dijon : « Il faut, monsieur, vous parler présentement d’un livre qui est fort opposé à celui-là [2], qui est les Ragionamenti di Pietro Aretino ; vous souhaitez que je vous éclaircisse de quelques choses qui les regardent. Les Ragionamenti, ou Entretiens capricieux de l’Arétin, ont paru avant sa mort ; il n’en faut point douter, puisqu’en 1551 il y a eu une invective de Joachim Périon, moine bénédictin, contre l’auteur des Ragionamenti, qui ne mourut qu’en 1556 [3]. Antonio Francesco Doni, dans la première partie de sa Librairie, publiée en 1550, qui contient Les livres imprimés, parle de deux Dialogues delle Donne [4], qui sont différens des Ragionamenti, dont il ne dit pas un mot, parce qu’assurément ils n’étaient pas encore imprimés. À l’égard des Lettres, il n’y a que le seul premier volume qui mérite d’être lu, quoiqu’il ne contienne presque rien de satirique : les autres cinq sont extrêmement fades, et vous pouvez vous en tenir là-dessus à M. Ménage, dans le Ménagiana, qui leur fait encore trop d’honneur, quand il les estime pour le style. » Dans une autre lettre, M. Minutoli a eu la bonté de me faire part de deux remarques qu’il fit en lisant les Lettres des Hommes Illustres, publiées par Jean-Michel Brutus. Il trouva ces paroles à la page 369, dans une lettre de Jean Maludanus à Denys Lambin : Penè me fugerat quod scribendum in primis fuisse arbitror. A Perionio editam esse audio orationem adversùm Petrum Arctinum. Periculum est ne ut jampridem principum, ità posthàc et Μοναχῶν flagellum esse et nominari velit lacessitus Aretinus. Il n’y a dans cette lettre que la date du jour, Nonis maiis ; mais comme la réponse de Lambin est datée Nonis juniis anno ciɔ iɔ li, il est aisé de conjecturer en quelle année Maludanus lui avait écrit. Mon lecteur sera bien aise de trouver ici ce que Lambin, qui était alors à Rome, jugeait de la harangue de Périon : Perioni orationem in Petrum Aretinum jampridem legeramus, sed multo non sine risu. Quid enim magis ridiculum excogitare potest, quàm hominem Benedictinum, philosophum, Ciceronianum, theologum, cum P. Aretino verbis decertare ? Omninò suæ existimationi parùm consuluisse judicatur, nam quod arguit illum esse impurum, sceleratum, impium, quid tum posteà ?

  1. Chevillier, Origine de l’imprimerie de Paris, pag. 224.
  2. On venait de parler du livre de M. Baillet, touchant la dévotion à la Sainte Vierge.
  3. Voyez la remarque (N).
  4. Freher met ces deux Dialogues entre les Œuvres de l’Arétin, et ne parle point des Ragionamenti. Peut-être que ces deux Dialogues sont cette première édition qui fut faite contre la volonté de l’auteur, et dans un autre ordre que le sien.