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ARCÉSILAS.

en publia ; car les uns l’affirment, et les autres disent qu’il jeta au feu ce qu’il avait composé [a]. On remarque néanmoins qu’il dédia quelques livres à Eumènes, prince de Pergame, et qu’il n’en dédia qu’à ce prince [b]. Nous verrons comment il a été combattu par un père de l’Église (F). Comme il avait une éloquence très-persuasive et qui retournait toujours à son sujet principal, et que d’ailleurs il répondait subtilement et heureusement aux objections, il attira à son auditoire un grand nombre de disciples (G), quoiqu’il fût piquant dans ses censures. Au fond, l’on était persuadé de sa bonté, et il remplissait d’espérances ses écoliers : c’est ce qui les empêchait de se fâcher de ses réprimandes un peu trop fortes [c]. Il y a des gens qui assurent qu’il ne faisait le sceptique que pour éprouver ses écoliers, et qu’après l’épreuve il enseignait d’une autre manière (H). Il était l’homme du monde le plus communicatif de son argent, et l’on raconte des choses bien singulières de sa libéralité (I). On l’accusa d’être vain, et de travailler avec trop d’empressement à plaire au peuple [d]. Les autres philosophes le mordaient avec plaisir [e] ; mais l’égalaient-ils en modestie, et en exemption de jalousie ? Exhortaient-ils leurs disciples à ouïr les autres professeurs ? C’est ce qu’il faisait [f]. Il mena même l’un de ses élèves, qui témoignait que l’école d’un péripatéticien lui serait plus agréable ; il le mena, dis-je, à ce professeur, et le lui recommanda [g]. Une autre fois, il bannit de son école l’un de ses disciples, qui avait choqué Cléanthe dans un vers de comédie, et ne le reçut en grâce qu’après que la personne offensée eut reçu satisfaction [h]. On connaîtra mieux le mérite de ce procédé, quand on saura que Cléanthe fut le successeur de Zénon, qui avait été le grand adversaire d’Arcésilas. Celui-ci n’eut pas le défaut des plagiaires : il déclara qu’il n’enseignait rien qu’il n’eût trouvé dans les livres [i]. Il en usa apparemment de la sorte, afin de donner plus d’autorité à ses sentimens, et pour apaiser la haine que le nom d’innovateur lui attirait. Il n’aimait point à se mêler des affaires politiques [j] : néanmoins lorsqu’on le choisit pour aller négocier quelque chose à Démétriade, en faveur de sa patrie, auprès du roi Antigonus, il accepta la députation. Il en revint sans succès ; et ce fut peut-être, parce qu’il n’avait jamais voulu faire sa cour à ce prince, ni entrer même chez lui, ni lui écrire des lettres de consolation après la perte d’une bataille navale [k], comme faisaient plusieurs autres [l]. Il eut beaucoup de part à l’amitié du gouverneur du Pi-

  1. Diogen. Laërtius, lib. IV, num. 32.
  2. Idem, ibid., num. 38.
  3. Idem, ibid., num. 37.
  4. Idem, ibid., num. 4.
  5. Idem, ibid.
  6. Idem, ibid., num. 42.
  7. Idem, ibid.
  8. Plut. de Discrim. adulat. et amici, pag. 55, C
  9. Voyez le passage de Plutarque, ci-dessous, citation (47).
  10. Diogen. Laërtius, lib. IV, num. 40.
  11. Id., ibid., num. 39.
  12. Id., ibid.