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APROSIO.

autres raisons « pour respondre à ceux qui, par livres imprimez, s’efforcent de sauver les sorciers par tous moyens, en sorte qu’il semble que Satan les ait inspirez et attirez à sa cordelle, pour publier ces beaux livres, comme estoit un Pierre d’Apone, médecin, qui s’efforçoit faire entendre qu’il n’y a point d’esprits, et néanmoins il fut depuis avéré qu’il estoit des plus grands sorciers d’Italie [1]. »

(F) Il mourut l’an 1316, à l’âge de soixante-six ans. ] C’est ce qu’on lit dans une inscription rapportée par Tomasini [2] ; cela étant, il faut dire que Naudé se trompe lorsqu’il dit que Pierre d’Apone, accusé à l’âge de quatre-vingts ans, mourut l’an 1305 [* 1]. Freher dit la même chose, comme tirée de Bernardin Scardeon [3]. Disons aussi que Gesner se trompe, en faisant fleurir Pierre d’Apone l’an 1320 [4]. M. Konig a copié cette faute [5]. Mais le père Rapin s’abuse plus étrangement, puisqu’il le place au XVIe. siècle. Pierre d’Apone, dit-il [6], médecin de Padoue, qui florissait sous Clément VII, se gâta si fort l’imagination par la lecture des philosophes arabes, et par les spéculations trop fréquentes sur l’astrologie d’Alfraganus, qu’il fut mis à l’inquisition pour avoir été soupçonné de magie. Vossius a suivi Gesner, et a fait une observation qui mérite d’être pesée : Pierre d’Apone, dit-il [7], envoya son livre de Medicinâ omnimodâ au pape Jean XXII, qui fut élu l’an 1316, et siéga dix-sept ans. Nous connaissons donc par-là le temps de ce médecin. Mais si l’an 1316 fut celui de sa mort, la conclusion n’est pas exacte, et ne sauve pas d’erreur Vossius.

  1. * Nicéron, tom. XXVI de ses Mémoires, pag. 316, reproche à Bayle d’adopter 1305 peur date de la mort d’Apone. Ce reproche est injuste. Bayle est pour 1316.
  1. Bodin, préface de la Démonomanie des sorciers, pag. 5. Voyez aussi chap. V, pag. 71.
  2. Tomasinus, in Elog. Viror. illustrium, pag. 22.
  3. Paulus Freher., in Theatro Viror. illust., pag. 209.
  4. Gesnerus, in Bibliothecâ, folio 544.
  5. Konig, Bibl. vet. et nova, pag. 49.
  6. Rapin, Réflex. sur la philos., num. 28, pag. 360.
  7. Vossius, de Scient. Mathem., pag. 181.

APROSIO (Angelico), né à Vintimiglia, dans la Rivière de Gênes, le 29 d’octobre 1607, a eu beaucoup de réputation parmi les savans, et a composé un très-grand nombre de livres. Il est sorti beaucoup de personnes de lettres de sa famille [a]. Il n’avait que quinze ans lorsqu’il se jeta dans l’ordre des augustins, et il s’y fit tellement considérer, qu’il parvint enfin à la charge de vicaire général de la congrégation de Notre-Dame de Consolation à Gênes [b]. Dès qu’il eut achevé ses études, on le jugea propre à enseigner : ainsi il enseigna la philosophie pendant cinq ans ; après quoi il voyagea en divers endroits de l’Italie, et se fixa, l’an 1639, à Venise, au couvent de Saint-Étienne, où il enseigna les humanités [c]. Une des choses qui lui ont été autant glorieuses, a été la bibliothéque des augustins de Vintimiglia, qui fut son ouvrage, et une preuve éclatante de son amour pour les livres, et de l’habitude qu’il s’était faite de les bien connaître [d]. Il a publié un livre touchant cette bibliothéque, qui est fort recherché des curieux (A). Au reste, il se plaisait extrêmement à se déguiser sous des noms forgés à plaisir à la tête de ses ouvrages ; peut-être n’osait-il écrire sous son véritable nom sur des matières aussi peu conformes à la vie religieuse, que l’étaient les différens des

  1. Voyez l’article suivant.
  2. Michel Justiniani, Scrittori Liguri, pag. 63.
  3. Philippus Elssius, in Encomiastico Augustiniano, apud Justinianum, pag. 63.
  4. Raffael Soprani, li Scrittori della Liguria, pag. 21.