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et les poètes de la France perdaient avec lui leurs meilleures espérances.

On ne s’étonne donc guère du grand nombre de poésies qui déplorèrent l’événement dont nous venons de parler. Les écrivains de renommée aussi bien que la poésie populaire rivalisèrent à exprimer leurs condoléances à la France et à son roi[1]. Les poètes et les humanistes lyonnais avaient été les plus rapprochés de la catastrophe ; c’était dans leur ville que l’exécution solennelle eut lieu. Ils ne laissèrent point passer cette occasion d’exprimer leurs regrets au roi et de sacrer la fête de sa vengeance par l’élévation de la poésie.

Étienne Dolet qui était depuis deux ans à Lyon, employé comme correcteur par divers imprimeurs, recueillit, trois mois plus tard, tous les vers sur la mort du dauphin qu’il put ramasser ; des épigrammes, des épitaphes, des déplorations et des églogues en latin et en langue vulgaire ; il en fit un petit volume, imprimé chez François Juste, éditeur plutôt populaire que savant. Pourtant c’est presque une édition de luxe, destinée probablement à être présentée au roi et à ses seigneurs ; le papier est de la meilleure qualité et les caractères sont d’une taille très soignée[2].

Nous voyons défiler dans ce petit livre toute la société humaniste de Lyon et ce qu’elle comptait d’amis en France. Des vers latins de Dolet sont les premiers du recueil ; Claude Fournier, Jean Visagier, Nicolas Bourbon, Gilbert Ducher, Jean des Gouttes sont les principaux Lyonnais qui y ont ajouté les leurs ; Pierre Castellanus, H. Appianus, Guillaume Mellier, Salmon Macrin, F. Piochet, Jean Canappe, Mellin de Saint-Gelais et Antoine du Moulin — voilà les noms des poètes d’autres provinces de la France qui y ont participé, et dont les trois derniers surtout sont connus pour avoir eu des relations suivies avec la société lyonnaise. Mais la part du lion dans ce petit livre appartient sans aucun doute à Maurice Scève, qui y a fait ses débuts dans la poésie latine, et à son cousin Guillaume.

Dans la première partie du recueil qui contient les vers latins, Étienne Dolet a laissé le deuxième rang à Maurice Scève, se réservant à lui-même le premier. Cette première poésie latine de

  1. Michel d’Amboise. Déploration de la mort de Françoys de Valoys, jadis daulphin de France… avec deux dixzains dudict seigneur, par Lesclave fortuné (sans lieu ni date, probablement Paris 1536). — Hugues Salet. Une églogue. Œuvres. Paris 1536. — Bonaventure Despériers. Épitaphe de Françoys, Daulphin, premier nay du Roy Françoys, Recueil des Œuvres, p. 119. — La déploration sur le trespas de feu monseigneur le Dauphin de France. Pièce anonyme, citée par E. Picot. Bibl. Rothschild, p. 417, n° 3797. — Pour la poésie populaire voir Brantôme.
  2. Recueil de vers latins et vulgaires de plusieurs poètes frattçcùs composés sur le trespas de feu Monsieur le Daulphin. MDXXXVI. On les vend à Lyon chez François Juste près Nostre Dame du Confort.