Page:Baudry - Rue Principale 1 les Lortie, 1940.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
LES LORTIE

lui désigna un siège et prit place dans son fauteuil ; tout ça avant d’avoir pu articuler un mot.

— Que… que puis-je pour votre service ? finit-il par émettre tant bien que mal.

— Ce que… ce que je suis venu vous dire est, je l’avoue, plutôt délicat, commença Blanchard.

— Oh ! ça je m’en doute un peu, peuchère ! répliqua Gaston. Pour que vous vous soyez décidé à franchir le seuil de ma porte, il faut que ça soit important ! Cela, je me le devine sans peine.

— J’irai cependant droit au but.

— Je l’espère d’autant plus que ma soupe est au feu et que je ne voudrais pas qu’elle colle.

Blanchard se croisa les jambes, bomba le torse, toussa deux ou trois fois et chercha à se donner un air imposant.

— Ce que je suis venu vous dire, énonça-t-il, c’est que vous avez voulu, cette année, poser votre candidature contre la mienne.

— Oh ! ça, monsieur Blanchard, sauf votre respect, vous n’êtes pas venu me le dire puisque je le savais.

— Évidemment, évidemment. Mais ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que depuis vingt ans que je suis échevin, vous êtes mon neuvième adversaire : et que les huit qui vous ont précédé se sont lamentablement fait battre.

— Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse ?

— Vous ne vous rendez donc pas compte que vous aussi, vous êtes voué à un lamentable échec ?

Gaston, revenu de sa surprise, avait repris tout son aplomb.

— Oh ! répliqua-t-il, c’est peut-être bien votre opinion : mais ça ne signifie pas que ce soit aussi celle des électeurs.