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LES LORTIE

— Pourquoi, farine d’avoine ? Ben parce que ça fait depuis le jour où Lindbergh est arrivé à Paris que j’ai pas gagné une partie. Et on joue au moins une couple de fois par semaine !

— Puis pour moi, batêche ! pensez-vous que c’est plaisant, monsieur Bernard ? demanda Mathieu. Lui, il a toujours l’espoir de gagner un jour, tandis que moi, je sais d’avance que je n’aurai pas d’opposition.

Une fois encore, la porte, en s’ouvrant, vint couper court à la discussion. Cette fois, c’était Gaston qui arrivait. N’avait-il pas promis que ce soir-là, aussitôt après la fermeture du restaurant, il viendrait dire à ses amis si oui ou non il acceptait de poser sa candidature aux élections municipales ?

— Et alors, Gaston, tu as décidé quelque chose, j’espère bien ? questionna le boulanger.

— Monsieur Bernard ne vous a fait part de rien ?

— Ma foi non, Gaston, répondit Bernard. J’ai pensé que c’était un privilège qui vous appartenait.

— Oh ! fit le restaurateur, vous auriez pu le leur dire, vous savez ; je ne me serais pas formalisé pour ça.

Mathieu, à qui son impatience faisait trouver tous ces échanges de politesses bien longs, insista:

— Enfin, qu’est-ce que c’est ta décision ?

Gaston qui, ne l’oublions pas, avait joué la comédie au temps béni où il lui restait des illusions, ménagea son effet. Il toussa pour s’éclaircir la voix, regarda tour à tour chacun de ses trois spectateurs — nous voulons dire chacun de ses trois interlocuteurs — pour s’assurer qu’il avait bien toute leur attention et, posément, leur débita :