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votre hypothèse un philosophe naturaliste, comme mon cousin, par exemple. Vous figurez-vous qu’une race quelconque d’animaux puisse absorber les autres races ? Et même, dans votre idée d’absorption de tous les peuples par un seul, ne voyez-vous pas que l’homme, animal suprême, devrait même absorber tous les animaux ? Enfin, s’il est vrai que beaucoup de races (d’animaux) ont disparu, il est vrai aussi que d’autres sont nées, destinées à manger leurs voisines ou à être mangées par elles, et il est vrai aussi que si des races d’hommes (en Amérique, par exemple) ont disparu, d’autres races d’hommes sont nées, destinées à continuer la lutte et l’antagonisme, suivant une loi éternelle de nombres et de forces proportionnels. Vous connaissez le mot de saint Augustin adopté maintenant par les docteurs de la création spontanée des animalcules : Dieu crée, à chaque seconde de là durée. Il en faut conclure que la lutte continue, à chaque seconde de là durée.

Vous me contraignez ainsi à faire le philosophe et à me jeter dans des questions que je n’ai pas étudiées.

Je reviens aux Fleurs. Un caractère plus gros que l’ancien, je vous en prie, et je reviens au terrible Bracquemond.

Je lui ai laissé carte blanche, dans ces limites : un squelette arborescent, l’arbre de la Science du Bien et du Mal, à l’ombre duquel fleurissent les sept péchés capitaux, sous la forme de plantes allégoriques.