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ration admiration que lui, qui est à mille pieds au-dessous de La Harpe, appelle M. Joubert le plus ingénieux des amateurs plutôt que véritable artiste.

Si l’on veut une autre preuve de la justesse d’esprit de Villemain et de sa conscience dans l’examen des livres, je raconterai l’anecdote de l’arbre Thibétain.

HABITUDES DE STYLE ET MÉTHODE DE PENSÉE

Villemain obscur, pourquoi ? Parce qu’il ne pense pas.

Horreur congéniale de la clarté, dont le signe visible est son amour du style allusionnel.

La phrase de Villemain, comme celle de tous les bavards qui ne pensent pas (ou des bavards intéressés à dissimuler leur pensée, avoués, boursiers, hommes d’affaires, mondains), commence par une chose, continue par plusieurs autres, et finit par une qui n’a pas plus de rapport avec les précédentes que celles-ci entre elles. D’où ténèbres. Loi du désordre.

Sa phrase est faite par agrégation, comme une ville résultat des siècles, et toute phrase doit être en soi un monument bien coordonné, l’ensemble de tous ces monuments formant la ville qui est le Livre.

(Chercher des échantillons au crayon rouge dans les cinq volumes qui me restent.)

Phraséologie toujours vague ; les mots tombent, tombent de cette plume pluvieuse, comme la salive des lèvres d’un gâteux bavard ; phraséologie bourbeuse, clapoteuse, sans issue, sans lumière, marécage obscur où le lecteur impatienté se noie.